Les trois frères

De guerre lasse…

Je ne me souvenais plus, avant de les avoir revus, combien Les trois frères pouvaient être jubilatoires à leur début et déprimants dans leur deuxième partie, donnant d’abord le meilleur de la verve et de la férocité du trio des Inconnus, montrant ensuite combien des artistes de music-hall n’ont pas la capacité de tenir sur la durée des prémisses amusantes et réussies. Rien n’est plus difficile à faire que le comique, vous diront tous les connaisseurs et ils auront bien raison, parce que la tension forcenée qui doit susciter l’hilarité est extraordinairement difficile à maintenir, se devant de rebondir sans cesse dans des situations farfelues mais inattendues, alors qu’un bon polar se satisfait de suivre une trame convenue du type Qui a tué ?Pourquoi a-t-on tué ? et Comment va-t-on découvrir puis coincer l’assassin ?.

Donc Les trois frères et l’idée amusante de présenter Didier BourdonBernard Campan et Pascal Légitimus comme les trois rejetons naturels d’une sorte de virago cinglée qui les a abandonnés, a fait fortune aux États-Unis et leur a légué, sous une réserve temporelle acrobatique mais nécessaire à la suite, une grosse somme. Les trois demi-frères sont aussi différents qu’il est possible : Didier (Bourdon), petit employé hypocrite, coincé, minable dans un supermarché où il guigne la fille (Isabelle Gruault) de l’immonde gluant directeur (Pierre Meyrand) ; Bernard (Campan), sorte de parasite social, intermittent du spectacle, brave garçon qui sniffe tout ce qui passe à portée de son nez, Pascal (Légitimus), mulâtre anxieux, amateur d’art contemporain, esclave d’une société de communication où règnent en maîtres Steven Marchand (Bernard Farcy) et sa clapotante âme damnée, Brice (Élie Semoun).

Finalement, c’est parce que la grosse galette leur passe sous le nez qu’ils vont se réunir, grâce à es acrobaties improbables mais bienvenues et qu’une sorte de fatalité inéluctable va les pousser, eux qui ne se ressemblent en rien à vivre l’aventure.

Jusque là, tout va bien et on a même assisté à quelques uns des sketches délicieux dont l’équipe iconoclaste et grandiose avait gratifié le spectateur : les rapports calamiteux de Didier avec son épouvantable future belle famille, la virée de Didier et Bernard dans une sorte de rave-party d’un squat crasseux, l’énumération des effets des comprimés extatiques qu’ils pourront consommer, les effets stupéfiants (hihi) desdits comprimés, l’arrivée des deux clampins au dîner où Pascal reçoit son patron qui veut le gruger du capital dont il le croit détenteur, tout cela est parfait. Il y a plein de répliques-culte, de moments de grandiose folie qui ont fait le succès mérité des Inconnus.

Mais une fois cet acmé atteint, il reste à tourner une bonne moitié du film ; et c’est là que ça se gâte, comme toujours, lorsqu’une idée amusante de départ demeure un peu coite et que les auteurs sont bien obligés de tirer à la ligne pour obtenir le format règlementaire ; on a peine, alors, pour l’équipe qui est à la barre et qui tente à grand mal de boucler son pensum. Commence alors un second film avec la dérive des trois bonshommes qui s’est enrichie d’un petit garçon, Michaël (Antoine du Merle), que Didier a jadis semé, sans s’en rendre compte, dans une de ses anciennes copines, Christine (Marine Jolivet) et qui se trouve fortuitement abandonné sur le palier…

De temps en temps, dans cette partie-là, un sursaut : ainsi le gag très drôle des trois frères absolument désargentés dans un bistro de cambrousse où ils font croire aux patrons (Bruno Lochet et Yolande Moreau) et aux habitués semi débiles du bistro qu’ils viennent de gagner une belle somme à un jeu télévisé et en profitent pour s’enfuir sans payer leur écot… mais enfin, ça se traîne, ça patauge, ça se meurt et on est content que ça se termine… Non décidément le monde de la scène, ses gags brillants et ses sketches ultra-rapides ne suffisent pas à l’écran…

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