Les Tuche 2 – Le rêve américain

Comment suis-je tombé si bas ?

J’avais déjà trouvé répugnant le premier tome de cette saga d’une roublarde démagogie qui fait honte à la fois à ses concepteurs – producteur, réalisateur, acteurs – mais aussi au public qui lui a fait un triomphe. C’est accablant, et d’autant plus que ça a de plus en plus de succès : 1,5 million de spectateurs pour le premier, 4,6 pour le deuxième… et près de 6 millions pour le troisième, de surcroît couronné d’un César du public et encensé par les critiques du Monde et du Figaro. Quand je pense qu’il y a 40 ans nous regardions d’un air supérieur et méprisant Mon curé chez les Thaïlandaises ou Les Charlots font l’Espagne ! C’était minable, mais moins dégradant que les histoires de la famille Tuche.

Moins dégradant et surtout moins démagogique : ça ne prétendait pas, il me semble, faire un clin d’œil complice au lumpen-prolétariat à partir de l’empyrée de la jet-society. Les braves gens, les braves nigauds qui ont applaudi les aventures des chômeurs professionnels parasites sociaux et crétins majuscules puis sont allés bloquer les ronds-points affublés de gilets jaunes ne doivent pas bien se rendre compte que toute l’équipe des films s’est rendue ensuite au Fouquet’s, alors point encore dévasté, pour rigoler à leurs dépens.

Il y avait dans Les Tuche – le numéro 1 – un tout petit semblant de récit et, au moins dans les premières séquences, une tentative de singer le regard acide qui faisait la qualité de la série Strip-tease de Jean Libon et Marco Lamensch ; c’était outrancier, caricatural, plutôt minable. Il y avait ensuite la péripétie nécessaire d’un gain de 100 millions d’euros à une loterie et, à la fois, de la transformation radicale de la vie de la famille conjuguée à la permanence de sa mentalité ; et, pour la bonne mesure, un discours moralisateur de caramel mou opposant les vilains privilégiés et les gentils nouveaux riches.

Les Tuche 2 n’ont même pas de scénario, à moins qu’on appelle ainsi les vieilles ficelles. Donald, dit Coin-coin (Théo Fernandez), le miraculé de la famille, le petit génie, est parti perfectionner son anglais en Californie ; il y fait connaissance de Jennifer (Alice Morel-Michaud), fille de riches financiers francophiles. Toute la famille – le père, Jeff (Jean-Paul Rouve), la mère Cathy (Isabelle Nanty), le frère aîné rapeur et homo Wilfried (Pierre Lottin), la sœur, Stéphanie (Sarah Stern), bimbo débutante mariée à un footballeur noir et infidèle (Ralph Amoussou) et la belle-mère gâteuse et alcoolique Mamie Suze (Claire Nadeau) – tout ce monde débarque à la grande confusion de Coin-coin qui a raconté que son père était chirurgien esthétique.

On est là à la moitié du film (enfin… si on peut appeler ça film) et les scénaristes ne savent désormais plus où aller, une fois faiblement exploitée la veine des quiproquos et des précipices possibles côtoyés par la rencontre des deux familles. On progresse donc vers la sortie  – c’est-à-dire la durée réglementaire de 97 minutes – à coup de saynètes pénibles, hasardeuses et raboutées. Il ne manque d’ailleurs rien au Politiquement correct du sujet, le gangsta-rapeur Wilfried se mariant in fine avec le charmant jardinier Juan (Christian de La Cortina) et Cathy Tuche (Isabelle Nanty) résistant avec vaillance à la belle histoire amoureuse que lui proposait un Québécois inconscient (Roger Robitaille).

Champ de ruines. Sans me vanter, assez souvent je ne manque pas de verve pour descendre en flammes un film de grande nullité. Mais là, je n’y parviens pas : cette monstrueuse connerie m’ôte les mots du clavier.

C’est bien ça le pire.

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