Les vierges de Satan

Partie de campagne.

Bijou tardif de la période dorée de la Hammer filmLes vierges de Satan portent, en français, un titre roublard. Un des titres britanniques, Brides of Satan, plus prude, n’est pas très bien approprié non plus, puisque le film relate le combat d’un groupe déterminé, conduit par le duc de Richleau (Christopher Lee) pour tirer des griffes d’une secte satanique dirigée par Mocata (Charles Gray) deux jeunes gens qui se sont laissés fasciner par Lucifer (je résume). Il n’y a pas là dedans la moindre coquinerie et la seule orgie représentée, lors de la réunion champêtre des adorateurs du Malin peut être mise sous les yeux les plus innocents.

La lutte d’hommes courageux contre les forces du Mal est un des thèmes classiques de la littérature fantastique ; on ne peut d’ailleurs que rapprocher celle menée par Richleau et ses amis contre Satan avec celle du docteur Van Helsing (habituellement Peter Cushing) dans les divers épisodes de la légende des Dracula  (habituellement Christopher Lee : voilà qui est drôle). Et par ailleurs il y a toujours quelque chose de fascinant à voir représentés les adorateurs du Prince des Ténèbres, hommes et femmes prêts à tout ; à ce sujet il y a une ressemblance assez troublante dans la présentation de ces adeptes dans Les vierges de Satan – au début – et dans Rosemary’s baby – à la fin – : société de gens du monde, bien élevés, élégants, raffinés, venant de tous les continents et tenant, le verre en main, des propos de bonne compagnie.

Solides prémisses et fond de sauce éprouvé, donc. Pourtant bien mal conté ; le grand Richard Matheson a adapté un roman d’un prolifique pourvoyeur d’histoires horrifiques, Dennis Wheatley. J’ignore si c’est l’œuvre originale qui pèche ou l’adaptation : toujours est-il que le film est assez mal fichu, les péripéties se succédant sur un bon rythme, mais au prix de beaucoup d’incohérences ou, plutôt de partis pris hasardeux qui font que, dès qu’un des protagonistes sort par la porte, son adversaire entre par la fenêtre (c’est une image). J’admets volontiers qu’on puisse se passer de cohérence pour ce genre particulier de films fantastiques, maisil y a des limites : on entre partout comme dans un moulin, comme si les Gentils ne savaient pas que les Méchants les guettent avec acharnement et comme si les Méchants se contrefichaient de laisser pénétrer leurs retraites secrètes maléfiques. Je ne dirai pas de mal des effets spéciaux, ceux-ci n’ayant évidemment pas, il y a 50 ans la qualité de ceux d’aujourd’hui, mais certains sont tout de même un peu bêtas.

L’intérêt et la qualité du film ne sont donc pas dans les replis de l’histoire mais bien plutôt dans la façon dont Terence Fisher a filmé ce fatras selon les meilleures recettes du genre : couleurs magnifiques, reconstitution d’époque parfaite (le film se passe vers 1930), costumes, voitures de sport, belles maisons patriciennes, ton british inimitable et souvent non dépourvu d’humour. Et des scènes très esthétiquement filmées dans des décors magnifiques : repaire des satanistes, leur réunion dans une forêt profonde où après l’invocation rituelle et avant le sacrifice humain heureusement évité surgit Satan, représenté de façon convaincante par un bouc à corps d’homme, lutte finale de Richleau et de ses compagnons protégés par un cercle magique… Ce choix esthétique est constant dans le film, dès le générique composé d’imageries sataniques et de signes cabalistiques.

Et excellence de la distribution : la jeune femme médium sauvée de justesse des enfers, Tanith Carlisle (Nike Arrighi) a juste assez d’étrangeté pour représenter la parfaite proie du Démon et juste assez de charme pour susciter le dévouement amoureux de Rex van Ryn (Leon Greene), compagnon du duc de Richleau. Christopher Lee qui interprète ce grand seigneur jadis féru d’occultisme est, comme à l’habitude, absolument parfait. Mais une mention spéciale pour Charles Gray, chef de la secte, dont le visage exceptionnel n’a pas été assez exploité au cinéma (il fut pourtant un remarquable Blofeld, l’ennemi juré de James Bond dans Les diamants sont éternels) ; Gray parvient à donner à son regard bleu glacier une inhumanité et une cruauté qui, à elles seules, valent qu’on apprécie Les vierges de Satan.

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