L’homme pressé

Rien ne sert de courir.

Quelle idée la télévision a-t-elle eu d’aller exhumer ce mauvais film pour rendre hommage à Mireille Darc ? Un film où malgré sa présence au générique sur le même plan qu’Alain Delon, elle ne tient qu’un rôle secondaire et n’apparaît qu’épisodiquement, sans jamais marquer les séquences de sa présence pourtant d’habitude si éclatante où elle n’est pas plus au devant de la scène que Michel Duchaussoy, excellent dans le second rôle assumé de Placide Justin, auxiliaire, homme de main, souffre-douleur de Pierre Niox (Alain Delon).

Ah ! Delon est, je le crois bien, le problème exclusif du film, en admettant même que le talent gentil et limité d’Édouard Molinaro n’était sans doute pas le plus approprié pour traduire à l’écran les subtiles sécheresses de Paul Morand. Delon est aussi producteur de L’homme pressé et il s’est réservé la totalité de la surface utile, confondant rythme et frénésie. Le film est fatigant parce qu’il cavalcade continuellement sans raison, espérant faire croire que le héros est une sorte de cyclone ambulant, superman de bande dessinée, souvent ridicule. Contre-sens énorme de faire passer cette scène primordiale des propos de Niox devant la durée de la grossesse de sa femme, qui est une sorte de naïveté un peu ridicule en exaspération presque sadique : Mais tu ne peux pas faire un enfant en 7 mois plutôt qu’en 9 ?.

Niox est un homme qui se perd devant le Temps. Delon a voulu qu’il soit un homme qui tente de prendre le Temps de vitesse. Lourd contre-sens, de fait. Et puis les péripéties sont mal cousues les unes aux autres ; on a quelquefois l’impression qu’il manque des scènes essentielles, qu’on a creusé des ellipses si profondes que le spectateur n’a qu’à approuver la production de tableautins décoratifs ; de fait les maisons sont belles, les vêtements élégants, les objets raffinés mais ce sont là des vitrines, ou presque : rien qui soit vraiment intéressant.

On comprend assez vite que la course à l’abîme ne durera pas longtemps et que les malaises cardiaques de Niox ne sont que des avertissements à peine cruels avant la définitive crise qui achèvera la trépidation inutile d’un personnage dont Molinaro et ses adaptateurs (qui ne sont pas des manchots, apparemment, toutefois : Maurice Rheims et Christopher Frank) ne sont pas allés creuser l’épiderme. Ils se contentent de le montrer, excité et volontaire, injuste, desséché, absurde jusqu’à la caricature pendant les 90 minutes réglementaires.

Mon seul bon point : m’avoir fait profiter de la vue sublime qu’on peut avoir de la pointe Est extrême de l’île de la Cité, là où se rejoignent la rue du Cloître Notre Dame et la Quai aux fleurs et partager l’instant de bonheur que peuvent ressentir les bénis des dieux qui habitent là.

 

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