L’invité

Je te tiens par la barbichette.

Si L’invité était resté dans le seul cadre d’une pièce de théâtre comme en diffusait jadis la télévision (Au théâtre ce soir, évidemment), on aurait certainement davantage apprécié cette charmante pochade, soutenu qu’on aurait été par les rires (non enregistrés) des spectateurs. Des rires qui auraient permis de passer complétement au dessus des invraisemblances, anomalies, caricatures, outrances qu’un film permet moins de dissimuler. Parce même si dans une salle de cinéma il peut y avoir un rapport entre l’écran et la salle, on ne rencontre évidemment pas la même complicité roublarde qui permet souvent aux acteurs de jouer – presque de dialoguer – avec le public.

Charmante pochade qui frôle, qui confine à un sujet dangereux, dont le potentiel de gravité n’est naturellement pas exploité : l’ultime chance d’un cadre très moyen, la cinquantaine atteinte, de retrouver un emploi, un cadre qui joue son avenir et celui de sa femme dans une rencontre décisive où la Némésis entrepreneuriale va décider, sur une impression fugace, impalpable, sans doute arbitraire, si le chemin sera celui de l’Indonésie… ou le retour à Pôle-Emploi. Autant que je me le rappelle, Costa-Gavras avait réalisé en 2005, un drôle de bon film intitulé Le couperetJosé Garcia, en chômage de longue durée, décidait d’éliminer physiquement tous les autres postulants à l’emploi qu’il espèrait. Humour noir, avec des situations souvent cocasses, quelquefois glaçantes.

Ce n’est pas dans cette eau-là que se baigne Laurent Bouhnik qui adapte donc au cinéma une pièce de David Pharao. Il faut vraiment chercher dans cette histoire la petite goutte d’acide qui lui donnerait une dimension plus réelle. On s’amuse, il y a beaucoup de bons mots et de situations drôles, mais on reste très à la surface des choses et les artifices apparaissent vite, couronnés, en plus, par un dénouement trop attendu pour être satisfaisant. Combien de fois faudra-t-il dire que le happy end est tout sauf une obligation ?

Donc, ce soir là, Gérard (Daniel Auteuil) et Colette Morel (Valérie Lemercier) attendent à dîner Pontignac, un intégrateur de compétences chargé de vérifier, si j’ai bien compris, si Gérard au cours de sa longue inactivité, ne s’est pas trop éloigné du monde du travail et peut sans trop de risque pour l’entreprise, être expédié en Indonésie pour diriger une filiale. Gérard et Colette, qui ne paraissent pas avoir d’enfants, sont un couple rassis, parcimonieux, pantouflard. Elle passe son temps à faire des mots fléchés et lui à perfectionner, améliorer, choyer le circuit de trains électriques qui a envahi, d’ailleurs, tout l’appartement, salon compris.

À la suite d’un incident domestique vient s’insinuer Alexandre Chardenoux (Thierry Lhermitte) qui, ayant appris la nature et l’importance du dîner vespéral, se présente comme spécialiste en coaching opérationnel et se charge de préparer Gérard et Colette à l’épreuve qui les attend : tout y passe : menu du repas, décoration de l’appartement, tenue vestimentaire des hôtes, propos à tenir – ou ne pas tenir – lorsque l’examinateur décisif se présentera.

Placé sur de tels rails, le train-train ne peut qu’avancer avec son lot, son cortège de quiproquos, d’ambiguïtés, de catastrophes évitées au dernier moment, de méprises plus ou moins heureuses. Ça ronronne assez bien, malgré quelques digressions sans intérêt, comme l’intervention de Sophia (Mar Sodupe), la concierge nymphomane qui se jette sur Chardenoux/Lhermitte dès qu’elle l’aperçoit, ou des invraisemblances trop grosses pour passer la rampe, comme l’absence de tout vase chez les Morel.

Et puis si Auteuil et Lhermitte font le job comme ils savent le faire, Valérie Lemercier ne se dépêtre pas vraiment. Il est vrai que son rôle de gourde exclusive est particulièrement mal écrit et insignifiant ; dommage pour une actrice qui a si souvent montré (et d’emblée dans la délicieuse série Palace) qu’elle pouvait extrêmement bien interpréter ce genre de personnages. Mais enfin on a passé un moment qui n’est pas désagréable. c’est déjà bien.

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