Mon meilleur ami

Trop de rose, pas assez de noir…

On aimerait aimer sans réserve ce film de Patrice Leconte, cinéaste qui aime le cinéma, qui ne recule devant aucun sujet, qui fourmille d’idées, qui jubile de filmer des acteurs et des situations, qui n’hésite pas à prendre des risques, assez souvent à se casser la gueule, et tout aussi souvent à donner une jolie œuvre chaude que l’on aime revoir…

On aimerait aimer Mon meilleur ami et, de fait, on a du plaisir à regarder cette petite comédie mais à aucun moment on ne ressent un peu davantage que de la sympathie pour ce qui aurait pu être quelque chose de grave et de poignant. C’est trop gentil, trop classique, trop consensuel, trop prévisible, avec moments un peu tristes et, juste ensuite, images  plutôt enquiquinantes de braves gens récompensés au bout du compte.

Daniel Auteuil (François), Julie Gayet (Catherine).

L’idée était bonne pourtant, de rassembler deux cancrelats aux existences aussi disparates que finalement proches, le marchand d’art égocentrique à la riche vie sociale et le brave type trop materné, à la bouille sympathique et à la solitude grisâtre ; ça, c’est bien : on aurait pu craindre que soient opposées, dans un grand mouvement empathique et ennoblissant la pauvreté du riche et la richesse du pauvre, à voir fonctionner un manichéisme puéril et socialement correct ; non ! tout autant que François (Daniel Auteuil), qui connaît tout Paris, a plein de relations brillantes, une belle maîtresse et vit la fausse camaraderie des dîners en ville, Bruno (Dany Boon), vague conducteur de taxi doté de parents minables et gentils, a un don de sympathie immédiate qui ne lui sert de rien et vit la fausse camaraderie des grasses bouffetances entre copains. On reste seul, finalement, et pour toujours, dit je ne sais plus qui.

Dresser en parallèle ces deux destins sinistres aurait sûrement été une meilleure idée que de les affubler d’une improbable amitié, à la durée peu vraisemblable ; les moments de complicité peuvent se concevoir, et les manques réciproques se combler par pur hasard, mais c’est bien artificiel, tout cela…

Il y a d’excellents, de drôles moments : l’épreuve de sélection subie par Bruno, qui sait tout sur tout d’une culture trivial pursuit, mais jamais la réponse exacte, la quête désespérante de François auprès de ce qu’il croit être un copain de 6ème : A 11 ans, tu étais déjà frimeur et chieur : personne ne pouvait te blairer ! ; mais il y a aussi plein de ratages pénibles : le vase brisé par Bruno, déçu d’avoir été agi par François et, surtout, le dernier quart d’heure, ridicule filmage mélodramatique de Qui veut gagner des millions ?, (avec Jean-Pierre Foucault, aussi gluant au cinéma qu’à la télévision…).

Les acteurs, Auteuil et Boon ne sont pas mal du tout, les seconds rôles plutôt bien dessinés (Elisabeth Bourgine, Henri Garcin, Jacques Spiesser) ; en associée lesbienne (pourquoi lesbienne, au juste ? pour faire moderne et joli dans le paysage ?), Julie Gayet est délicieuse, mais il n’en reste pas moins que Leconte n’a pas pu, ou pas voulu faire ce qui aurait pu être une comédie à l’italienne triste et tendre, désespérée et tranquille… Mon meilleur ami n’est qu’un sympathique petit film de plus, qui n’apportera rien à la notoriété de son auteur, qui apparaîtra même un peu lourdingue et convenu…. Dommage…

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