Noël blanc

Et extrêmement pâlot, même.

Autant j’avais été presque agréablement surpris par Le bouffon du Roi dans mon exhumation pieuse des souvenirs de mes jeunes années et de la (modeste) place qu’y avait prise Danny Kaye, autant je me suis désolé d’avoir cédé à cette très vieille nostalgie et d’avoir regardé cette parfaite nouillerie qu’est Noël blanc. Il est vrai pourtant que le nom révéré d’Irving Berling qui, avec Cole Porter et George Gershwin fut un de ces merveilleux mélodistes qui enchantèrent le siècle passé permettait de croire qu’à défaut de grands émois romanesques, le film dispenserait quelques très belles chansonnettes et des moments musicaux agréables.

Nib de nib. À l’exception du célébrissime White Christmas (qui est, paraît-il, le morceau musical le plus vendu au monde, loin devant Petit papa Noël de notre triste compatriote Tino Rossi), l’honnête amateur de musicals en a pour ses frais : rien qui retienne l’oreille et quelques chansonnettes bien sirupeuses aussitôt entendues, aussitôt oubliées. Or, naturellement dans ce genre de cinéma à l’eau de rose, s’il n’y a pas d’agréables et convaincants intermèdes musicaux, l’intérêt dégouline bien vite. D’autant que les deux personnages principaux, Bing Crosby et Danny Kaye, s’ils ne sont pas absolument dépourvus de tout talent scénique sont évidemment bien loin d’atteindre le quart du tiers de la virtuosité chorégraphique de Fred Astaire ou de Gene Kelly.

On voit bien, tout de suite, qu’il s’agit d’un film de grande série, même s’il s’agit, paraît-il, du premier tournage en Vistavision, sorte de Cinémascope créé par Paramount ; mais on voit bien que c’est formaté, comme on dirait aujourd’hui, pour des spectateurs étasuniens, les pires ploucs de l’Iowa ou de l’Arkansas, tant les références, les façons de penser, les manières d’être sont purement celles d’Outre-Atlantique : de braves garçons qui ont scellé leur amitié à la fin de la guerre, lors de la campagne d’Italie, ont monté un numéro de duettistes qui marche fort bien, si bien que le leader du groupe, l’ancien capitaine Bob Wallace (Bing Crosby), entièrement pris par le métier du spectacle, n’a pas le temps de songer à courir la prétentaine et épuise de ce fait son partenaire l’ex 1ère classe Phil Davis (Danny Kaye). Davis n’aura de cesse que de trouver une compagne pour Wallace et trouve l’opportunité avec le duo vocal de deux sœurs, Betty (Rosemary Clooney) et Judy Haynes (Vera Ellen).

Tout le film conte comment les deux hommes vont trouver, avec les deux femmes, chaussures à leurs pieds respectifs, en célébrant de surcroît la camaraderie de guerre, sortant de la mouise le général Waverly (Dean Jagger), qui les commandait avec rigueur et équité pendant le conflit et qui, revenu à la vie civile, tire la langue dans une auberge du Vermont, État septentrional à la frontière du Canada qui, pour sa malchance touristique n’a pas reçu cette année là le moindre flocon de neige.

Les deux saltimbanques conquerront évidemment le cœur des deux péronnelles (qui n’était pas, à vrai dire, très fortement défendu) et réuniront autour du général, toujours aussi pète sec mais fort ému, la fine fleur de la division qu’il commandait jadis. Et – ô miracle ! – la neige se met à tomber et les touristes qui vont sauver l’auberge commencent à arriver. 

C’est complètement idiot, comme on le voit, ce qui ne serait pas grave, le genre ne donnant que rarement des scénarios subtils, mais surtout c’est terriblement languissant, joué dans des décors plutôt minables et ne parvenant à enchanter le spectateur ni par les chansons, ni par les numéros dansés. restent quelques bribes dialogues, le beau tempérament de Vera Ellen, petite torpille énergique et, si on aime ça, la voix mielleuse de Bing Crosby qui fut une immense vedette…

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