Nos jours heureux

Cantique de la marmaille.

Il ne faut pas, évidemment, se laisser entraîner par ses propres souvenirs d’enfance et songer toujours de retrouver quelques anecdotes et épisodes vécus et transposés de façon très honorable par le duo qu’un homme d’esprit a baptisé  Les Nakadano, c’est-à-dire Olivier Nakache et Éric Toledano, désormais importants pourvoyeurs de succès dans le cinéma français. Je précise d’emblée que je n’ai rien contre ces deux cinéastes, pour la bonne et simple raison que je n’avais vu d’eux jusqu’alors que le plus récent Le sens de la fête, qui m’avait bien plu par son originalité dans le magma informe des films prétendument comiques.

Comment ! Vous n’avez pas vu Intouchables, ce petit bijou de délicatesse et d’humanité ?, allez-vous m’assener, l’œil vengeur et le sarcasme à la bouche. Ben non, je n’ai pas vu Intouchables, un peu parce que je craignais (sans doute à tort) que le sujet fût traité de façon mièvre, sûrement beaucoup parce que ça ne s’est pas fait un jour où le film passait à la télévision. Mais si Dieu me prête encore une douzaine d’années de vie, je suppose qu’il y aura bien un soir où je ne trouverai rien d’autre à regarder. On m’a dit aussi beaucoup de bien, à un assez haut niveau du dernier opus de Nakadano, le film Hors normes, paraît-il intelligente exploration de l’univers stupéfiant de l’autisme.

Revenons à nos moutons ou plutôt à nos marmailles. J’écris le nom au pluriel parce que, vu de mon Sirius personnel, les jeunes colons ne me paraissent pas beaucoup plus infantiles que les animateurs qui les encadrent ou plutôt sont censés les encadrer. Il est fort possible que ce soit la norme habituelle et que dans tous les groupes ainsi rassemblés au gré de multiples hasards il y ait ce mélange de caractères hétéroclites, de querelles d’egos, de flemingites aiguës, d’irresponsabilités effarantes et de tentatives désespérées de faire respecter un semblant d’ordre.

Ce qui me fait un peu tordre le nez, dans Nos jours heureux, en fait, c’est le rassemblement sous la même égide de gamins qui n’ont manifestement aucune chance de se retrouver les uns à côté des autres. Il se peut que je vive dans un monde fantasmé, il se peut que je sois absolument largué par l’évolution sociétale, mais je ne suis pas persuadé qu’on puisse retrouver dans le même groupe vacancier un surdoué qui se passionne pour la Finance internationale et des gamins issus des cités de banlieue. J’admets bien volontiers qu’il faut infuser ici et là, dans le scénario, du piment pour rendre pimpantes les évolutions du récit, mais il me semble qu’il faut un minimum de cohérence et de vraisemblance. Et de ce point de vue, il y a une myriade de milieux à explorer sous le simple regard du regroupement de gamins en puberté plus ou moins précoce : rassemblement de culs-bénis, rassemblement de gosses de riches, rassemblement de racailles, troupes de scouts, camps de militants politiques, regroupement de footballeurs ou de tennismen ou de cavaliers passionnés… Mais là, pour ce film, je suis plutôt sceptique.Cela étant, il y a dans le film de très bons moments, une certaine verve dans la façon de conter, des acteurs amusants bien distribués : Jean-Paul Rouve, Marilou Berry, Omar Sy, Joséphine de Meaux, voilà des acteurs qui, aux temps heureux, aux belles heures du cinéma, auraient fait d’excellents seconds rôles, de ceux qui faisaient la chair et la substance es grands films. Le malheur est que, aujourd’hui, les seconds rôles sont au premier plan.

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