Rec

Les animaux malades de la peste

Voilà un film, déjà vu, mais agréablement revu, qui a surfé sur plusieurs vagues intéressantes et qui, lorsqu’il est sorti, offrait d’intéressantes perspectives. La manie du reportage en direct, l’utilisation de la caméra portée, qui en est corollaire, la mise en avant des héros anonymes, qui obtiennent ainsi le fameux quart d’heure de célébrité, annoncé par le pimpant Andy Warhol. Le boy next door ou la voisine d’en face, la recherche d’un prétendu regard authentique qui fait que, chaque soir ou presque, sur l’une ou l’autre chaîne de télévision, il y a un sujet sur La police municipale de Châteauroux se mobilise contre les incivilités ou Les pompiers de Montauban gardent toute leur vigilanceRec utilise à merveille tout cela et s’appuie aussi sur la nuit, ses avenues vides, son étrange atmosphère.

Cet aspect là est fort bien vu, assez roublard. Et comme il se couple à un des genres les plus séduisants du cinéma, l’horreur, ou l’épouvante, il est agréablement original. Et on entre d’emblée dans le vif du sujet, dès qu’on a pénétré dans cet immeuble bourgeois de Barcelone dont les habitants, qui ont entendu des hurlements chez une vieille toquée, s’en sont émus et ont appelé police et pompiers, ceux-ci flanqués de la jeune journaliste Angela Vidal (Manuela Velasco), embedded, comme on dit, et son caméraman.

Je craignais un peu, au début, de devoir regarder un film de zombies plus efficace que la moyenne ; j’apprécie modérément le genre, mais le cadre barcelonais, le confinement dans l’espace de l’immeuble, le malin usage de ses coins et recoins me plaisaient déjà bien ; et davantage, encore, l’absence de recours excessif au sang qui gicle, aux membres arrachés, à la tripaille qui dégouline : sur ce point, et jusqu’au bout, on reste dans la limite raisonnable du genre, et c’est fort bien ainsi. Cela étant, les cœurs sensibles doivent tout de même faire gaffe.

Au fur et à mesure que le temps passait, que l’action se resserrait, que le montage donnait toute son efficacité, je me régalais de plus en plus, d’autant que, les personnages se faisant de plus en plus vite éliminer, tout laissait prévoir le unhappy end que tout amateur de ce genre de spectacles apprécie (comme je ne suis pas sûr que je me sortirais, moi, du guêpier, il m’agace que d’autres s’en sortent brillamment). D’ailleurs la conclusion du film, qui laisse largement transparaître la vérité, c’est-à-dire que la sorte de rage hystérique qui s’empare de ceux qui sont mordus n’est pas simplement due à un virus mutant est particulièrement séduisante.

Sans doute le genre n’est-il pas absolument renouvelé ; et d’ailleurs, il me semble que tous les films de genre, précisément se nourrissent les uns les autres grâce à de riches codifications ; donc, c’est vrai, on retrouve dans Rec, épars et des bribes d’autres musts du genre (comme The Descent, confinement pour confinement, et même La malédiction, du fait du décor surchargé de croix, d’images pieuses, de coupures de presse de l’appartement final, qui me fait songer à celui du prêtre transpercé plus tard par le paratonnerre dans le film de Richard Donner).

Mais je ne place tout de même pas Rec au sommet dans l’échelle de mes cauchemars, au contraire de Blair witch, qui est une merveille elliptique ; sans doute aussi parce qu’aucun immeuble ne me fait aussi peur que la nature, qui m’a toujours semblé terrifiante…

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