Rio Bravo

rio-bravo-film-3140Théâtre filmé.

Premières images : un défilé où passe, conduite à bride abattue, une diligence ; puis un saloon au confort sommaire ; puis un shérif à l’étoile astiquée ; puis une bagarre : on se dit qu’on est bien dans un western, et que tous les ingrédients du genre, un genre intellectuellement limité mais doté d’appâts solides, sont là.

Deux heures et davantage plus tard, on attend toujours qu’un des charmes principaux dudit genre, c’est-à-dire les fameux grands espaces de l’Ouest étasunien daignent arriver à l’écran. Et lorsque le mot Fin apparaît à l’écran, on n’a toujours pas vu le désert, la prairie, les canyons et tout le toutim. On n’a pas vu un Peau-Rouge non plus, d’ailleurs. On se sent floué. Parce que lorsqu’on regarde un western on s’attend toujours un peu à un documentaire touristique, à un de ces films de Connaissance du monde, régulièrement présenté, il y a quelques décennies, à l’émerveillement des badauds.

Est-ce que Rio Bravo a été tourné en studio ? Je pose la question avec quelque naïveté à ceux qui sont beaucoup plus férus que moi de ces histoires agricoles qui prétendent se placer au niveau des tragédies grecques et qui, quelquefois, y parviennent… Mais là ! On a la sensation que le shérif Chance (John Wayne) et ses acolytes passent leur temps à parcourir dix mètres, de la prison à l’hôtel de Carlos (Pedro Gonzales-Gonzales) et de Consuela (Estelita Rodriguez) et vice-versa, en attendant benoîtement que les sbires du vilain Nathan Burdette (John Russell) veuillent bien accepter d’engager le combat. À tout moment on se retrouve dans un espace confiné, la prison ou une chambre de l’hôtel, dans des huis clos bavards…. pire : verbeux, parce que les dialogues ne brillent ni par leur éclat, ni par leur originalité ; et ce qui peut passer lorsqu’une action vigoureuse, dynamique, rythmée emporte le récit est là pesant d’ennui et de manque d’imagination.

380px-Rio_Bravo_ssPour être comparé à la lourde pesanteur du théâtre filmé, il ne manque pas même les ressorts du vaudeville (ouh là là, les affriolantes culottes rouges destinées à Consuela) et les histrions ridicules… Je ne connaissais pas plus que ça Walter Brennan, à peine repéré dans Le port de l’angoisse, du même Howard Hawks où il jouait un alcoolique fatigant ; mais dans Rio Bravo il se surpasse dans la médiocrité glapissante, atterrante, stupéfiante : chacune de ses apparitions est pénible, presque gênante….

Au moins celle du crooner Ricky Nelson est-elle aussi insignifiante que discrète ; il est évident que ce Pied-tendre n’a pas du tout les épaules pour jouer le rôle de ce jeune justicier ; mais au moins se fait-il oublier la plupart du temps, sauf lorsqu’il donne excellemment la réplique au pochard Dude (Dean Martin) dans un des rares moments de grâce de ce film boursouflé : My riffle, my pony and me retrouve, grâce à Dimitri Tiomkin, auteur de la musique, un peu de ce qu’on peut aimer dans le western : l’odeur des feux de camps et des crépuscules violets.

John Wayne, dont la ductilité et le sens de la nuance n’étaient sûrement pas des qualités majeures, est solide et ennuyeux. Mais j’ai trouvé bien charmante Angie Dickinson que je ne me rappelai qu’en ménagère volage zigouillée par un cinglé dans Pulsions et qui est, là, parfaitement adaptée à son rôle de femme libre …

Howard Hawks, ai-je lu ici et là, n’aimait pas les dialogues…. sans doute ; alors faut-il trouver une histoire qui ne soit pas une copie de l’enquiquinant Train sifflera trois fois : il y avait de la matière, jadis ; et, Dieu merci, La terre des pharaons et Hatari étaient d’une autre veine…

Leave a Reply