Trois hommes et un couffin

Le cinéma plon-plon.

Voilà un film qui rencontra un succès public gigantesque (plus de dix millions d’entrées, un score parmi les dix ou quinze plus importants jamais enregistrés ; le trentième : ça laisse pantois). C’est un de ces succès qui ne s’expliquent pas, qui se bâtissent sur des publics qui habituellement ne vont pas au cinéma et qui, en même temps y affluent grâce à cet étrange phénomène du bouche à oreille. Franchement la meilleure et la plus certaine des publicités, le plus remarquable des marketings qu’on ait jamais trouvés. Il est bien vrai que l’idée de base ne manque pas de structure, qu’elle est originale et amusante et que Coline Serreau, la réalisatrice en sait tirer au moins au début, les meilleurs aspects.

On connaît l’idée : trois célibataires colocataires, qui habitent un bel appartement dans le Marais, bringueurs, buveurs, flirteurs, chacun apparemment satisfait de sa vie et préservé de toutes les vicissitudes de la vie des autres est affublé d’un nourrisson, laissé à l’un d’eux par une de ses conquêtes provisoires. Ça ne marche pas trop mal pendant la première heure du film de Coline Serreau, L’effarement un peu dégoûté d’abord, émerveillé ensuite des trois sacripants est assez bien mis en scène. Voilà qu’ils ne pensaient qu’à eux, à leurs sorties, qu ‘à leurs amitiés, qu’à leurs nuits chaudes, voilà qu’ils se retrouvent à compter le nombre des biberons nocturnes et au rythme, presque aussi fréquent, du changement des couches.

Ils s’y font, finalement, ce qui montre, à mes yeux suffisamment, que l’Homme (et la Femme naturellement aussi) n’existe que pour donner, transmettre, célébrer la vie et que toutes les tentatives pour passer à côté de cette évidence n’ont ni qualité, ni évidence. C’est bien joli la vie déjantée de Jacques (André Dussollier), steward d’une grande compagnie aérienne, de Pierre (Roland Giraud), qui est quelque chose dans une entreprise de publicité et de Michel (Michel Boujenah), dessinateur de BD. C’est bien joli, bien amusant, mais la morale du film indique très clairement que c’est bien vain.

À partir du moment où arrive dans leur thébaïde hédoniste la jolie petite Marie, abandonnée par sa mère Sylvia (Philippine Leroy-Beaulieu), mannequin appelée par son drôle de métier aux États-Unis, voilà les trois hommes qui quittent leurs enfances. Avec difficulté, voire dureté d’abord ; car ce n’est pas si simple que ça un bébé qu’il faut nourrir, laver, changer, égayer, assoupir, endormir. C’est même assez difficile. Mais on y parvient, surtout lorsqu’on est bon comme le pain quotidien et peu à peu à peu on s’y attache.

La réalisatrice s’en sort comme elle peut, c’est-à-dire pas trop mal : on a connu pire. Elle parvient à relier, à grand mal, tous les fils dispersés et à tenir fermement ses guides. N’empêche que la dernière demi-heure du film ne cesse de tirer à la ligne et à solliciter le spectateur avec roublardise : n’est-ce pas que c’est sympa, ces retrouvailles du bébé avec sa mère, puis avec les trois hommes qui l’ont choyé et qui ne se consolent pas de l’avoir perdu ?

Je dis depuis des siècles que les réalisateurs devraient toujours, hors exceptions rarissimes, couper le dernier quart d’heure de leurs films. Là, c’est une bonne demi-heure qui est en trop ; sans quoi Trois hommes et un couffin serait plaisant.

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