Tropical malady

Plaisirs campagnards.

Il y a des moments où je me dis qu’un large exotisme ferait du bien à ma triste mentalité de Parisien confiné, par ailleurs peu amateur de voyages et moins encore de nouveaux horizons. Soyons fou ! me suis-je dit en entreprenant de regarder le film d’un réalisateur thaïlandais qui porte le nom à coucher dehors de Apichatpong Weerasethakul et qui – je l’ai découvert un peu plus tard – est allé jusqu’à remporter la Palme d’Orlors du festival de Cannes de 2010 avec un film orgueilleusement intitulé Oncle Boonmee (celui qui se souvient des vies antérieures) qui, me semble-t-il n’a laissé absolument aucune trace dans les esprits (sauf sans doute à Télérama et aux Inrockuptibles évidemment).

Le pitch de présentation du film m’avait paru assez séduisant : Keng et Tong mènent un vie de couple tranquille, rythmée par la douceur des journées à la lisière de la forêt, les excursions en ville et les soirées en famille. Un jour, alors que plusieurs troupeaux de vaches sont massacrés par une mystérieuse bête sauvage, Tong disparaît. Keng décide de partir à sa recherche au cœur d’une jungle luxuriante et inquiétante. Je me frottais les mains en espérant une sorte de resucée de mon cher Cannibal holocaust et j’étais même près à descendre mon niveau d’exigence jusqu’à quelque chose comme Le dernier monde cannibale ou autres calembredaines de la même eau (ou du même sang – hihihi !) : quelque chose de bien rude et de bien sauvage. Honteusement, d’ailleurs j’espérais que la traditionnelle cruauté orientale me ménagerait quelques émotions horrifiques inédites.

Taratata ! (comme dit Scarlett O’Hara dans la version française de Autant en emporte le vent dès que quelque chose l’agace et la déçoit), Taratata, donc : il y a deux films dans cette daube thaïlandaise (une daube thaïlandaise, on imagine l’horreur ! est-ce mijoté avec du pangolin coronavirusé ?), il y a deux films qui ne valent pas mieux l’un que l’autre mais qui sont absolument clivés et n’ont pas le moindre rapport avec les agréables monstruosités que j’attendais et espérais.

 

Le premier segment est le récit, tourné de façon elliptique et hachée de la rencontre entre Keng (Banlop Lomnoi ), un jeune soldat, membre de la glorieuse 11ème patrouille forestière et Tong (Sakda Kaewbuadee), jeune homme de la campagne qui gagne sa vie en découpant des blocs de glace. Peu au fait des subtilités de l’onomastique thaïlandaise, j’avais naïvement imaginé que Keng et Tong étaient mari et femme ou, à tout le moins, amoureux et amoureuse. Il faut donc que j’oriente différemment mon point de vue et que j’assiste, pendant la première heure du film, aux mignardises de ces deux jeunes hommes. Allons-y ! Je ne suis pas plus bégueule qu’un autre et j’ai vu La vie d’Adèle. (Au fait le film thaïlandais est beaucoup moins irrigué de scènes coquines que le film de Kechiche ; voyeurs, soyez dépités !).

Au milieu du film, le jeune Tong disparaît ; sans qu’on comprenne bien pourquoi, si ce n’est par l’adjonction de quelques cartons aux prétentions agressivement philosophiques, Keng part à sa recherche ; en tout cas, c’est ce que j’ai compris. Nous disposons de presque une heure pour faire monter nos terreurs ancestrales, dans cette jungle mouillée, terreuse, pleine de miasmes, d’insectes urticants et de bestioles gluantes. Sans être alerté par quoi que ce soit, Keng s’enfonce tout seul dans la jungle. Il faut bien admettre que, comme la forêt d’Amazonie, celle de Thaïlande est spectaculaire, dégoulinante d’herbes. Keng ressent, dans la nuit, la vie foisonnante qui anime les lieux, les bruits insolites, les murmures, les feulements. Son angoisse monte, alors même qu’il est scruté, guetté par une sorte de sauvage nu, au corps couvert de tatouages. Un sauvage avec qui il se bat et par qui il est vaincu, sans conséquences.

Le film s’enfonce à partir de là dans les fantasmagories orientales ; les hommes peuvent se transformer en tigres. La fin du film dérive tout à fait dans ces rêveries, sans pour autant donner à l’onirisme revendiqué une base sérieuse. Les lianes, les mousses, les arbres, si spectaculaires qu’ils sont, lassent à toute allure…

Finalement langueur pesante ; l’exotisme ne suffit pas à effacer l’ennui profond dispensé…

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