Un cœur en hiver

4181215839La glaciation.

Eh bien moi, j’ai à peine reconnu le cher Claude Sautet, le si exact cinéaste des fiévreuses années 70, à part ici et là dans son goût pour le brouhaha des scènes de restaurants… Mais il n’y a plus (ou je ne les ai pas vues, peut-être) les fumées des cigarettes et c’est bien important, cela. Et s’il n’y avait le souvenir de cette décennie extraordinaire, qui va des Choses de la vie en 1970 à Un mauvais fils en 1980, avec cette densité des groupes, des personnages, des situations, j’aurais sans doute donné une note encore inférieure à cet exercice de style glacial.

un-coeur-en-river-rtl-avi_000384592Ma mauvaise humeur est sûrement à la mesure de ma déception et je peux volontiers convenir qu’elle a quelque chose d’excessif ; il y a tout de même de la belle ouvrage dans Un cœur en hiver. Le regard attentif et intelligent posé sur le monde restreint, rare, particulier de la musique de chambre. Extrême passion des mélomanes, précision artisanale des luthiers, sensibilité des interprètes, rudesse sourcilleuse des agents : un monde hors du monde, hors du temps, peut-être encore plus intransigeant et à tout coup plus austère que celui des amateurs d’opéra. Un monde où rien n’existe vraiment que le son et tout ce qui l’entoure : l’instrument, la salle, le partenaire.

Qui n’en est pas féru regardera les émotions représentées avec beaucoup d’étonnement, avec beaucoup d’extériorité, d’autant que l’ennuyeuse musique de Ravel, omniprésente, est là pour lui rappeler, s’il en était besoin que la pauvreté de ses sens lui interdisent d’être admis dans ce monde là.

coeurenhiver-8Et après, qu’est-ce qui reste ? Trois personnages dont les relations m’ont paru être purement artificielles, similaires à celles d’éléments chimiques purs placés dans un certain milieu et inter-réagissant comme il est attendu qu’ils le fassent… Je n’incrimine pas les acteurs, même si je supporte de plus en plus difficilement la mièvrerie blondasse d’André Dussolier. Emmanuelle Béart est aussi ravissante que glaciale – ce qui est son rôle – et Daniel Auteuil fait admirer un jeu resserré, tendu, extérieur au monde, pourtant. Mais on n’entre pas, ou mal, dans leur histoire qu’on voit se dérouler sans émotion et avec beaucoup d’ennui.

Ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu, finalement, (les personnages, non les acteurs, j’insiste) sont ceux qui sont à la périphérie : Régine (Brigitte Catillon), l’agent de Camille/Béart et le vieux professeur misanthrope Lachaume/Maurice Garrel. Eux ne sont pas figés, marmoréens et hiératiques…

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