Une femme de ménage

Comme d’habitude, un Berri sans intérêt

Parce que l’on insinue, à la fin du film, une teinte douce-amère (et plus amère que douce), on croit qu’on est un cinéaste audacieux, qu’on se hausse au niveau de Claude Sautet, dans Vincent, François, Paul… et les autres ou des grands artistes de la comédie italienne. On n’est qu’un pauvre petit Claude Berri, tâcheron qui se voulait talentueux et qui n’était pas capable d’autre chose que de produire quelques films, ce qui n’est déjà pas mal, au demeurant. Allez, j’avoue que j’exagère un petit peu : Le vieil homme et l’enfant tenait un peu la route, grâce à Michel Simon et sa version de Germinal, grâce à Émile Zola ; l’abominable adaptation qu’il a faite de Manon des sources ridiculise assez ce pauvre Berri.

En poursuivant ad libitum l’hommage rendu à Jean-Pierre Bacri, une chaîne de télévision a présenté Une femme de ménage, petit film exhumé. Digression et question : quand les grandes, les immenses actrices Micheline Presle (qui aura 99 ans à l’été) ou Françoise Arnoul (qui atteindra les 90) rejoindront leur Créateur, je doute que, durant une semaine on passera cinq ou six des films qu’elles auront illuminé de leur beauté et de leur présence.

Ceci n’est pas dit pour dévaloriser le mérite de Jean-Pierre Bacri, qui devait bien, comme tout le monde, payer des impôts et, pour ce faire, grappiller des picaillons ; mais enfin Une femme de ménage n’a vraiment rien à voir avec les films réalisés avec la complicité d’Agnès Jaoui : c’est un petit film d’une absolue prévisibilité qui ne découvre rien d’autre (et un peu trop complaisamment) que la poitrine (au demeurant assez lourde) d’Émilie Dequenne, actrice merveilleuse, qu’on ne lasse jamais de voir.

Qu’est-ce qui se passe ? Jacques Gautier (Jean-Pierre Bacri), ingénieur du son de quelque renommée, séparé de Constance (Catherine Breillat), sa femme assez dingue, a besoin d’engager une aide ménagère pour ne pas laisser en friche son appartement ; il embauche n’importe qui, Laura (Dequenne), qui n’a aucune autre capacité que de la bonne volonté à revendre mais qui finit par s’installer dans le domicile de son patron, plutôt dépassé par les événements et absolument disposé, finalement, à se faire dévorer vivant par la jeune femme.

Un peu incongrûment mais par une sorte de mouvement naturel de l’évidence, Jacques et Laura deviennent amants. Voilà qu’on est arrivé à la soixantième minute du film (ou à peu près) et qu’il faut bien remplir la durée réglementaire; Le pauvre Berri ne trouvera qu’une vingtaine de minutes en envoyant sans raison les amants au fin fond de la Bretagne, chez Ralph (Jacques Frantz), un brave peintre copain complaisant qui héberge les roucoulants amoureux. Jusqu’à ce que, par une autre nature d’évidence, la jeune femme commence à s’échapper sans même s’en rendre compte vraiment et à voguer vers un amant de son âge. Mais Jacques va sans doute trouver dans les bras de la mère du nouvel amour de Laura une complicité qu’on peut aussi imaginer bien provisoire.

C’est tout ; c’est banal, chacun joue son personnage, comme dans la commedia dell’arte. N’importe qui peut toujours jouer n’importe quoi, on le sait, mais lorsqu’on évoquera le nom de Bacri, on ne songera sûrement pas à ça.

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