Une grande année

Pluies fines ou pierres dorées ?

Je trouve bien sévères la critique et le public qui ont tenu pour négligeable, banal, mièvre un film que j’ai pour ma part trouvé charmant et joli, doté qui plus est, d’une tendre histoire d’amour. Il se peut que je sois, en ce moment, particulièrement bien disposé à la bienveillance et il ne m’étonnerait pas qu’en fait ce soit le cas : un relâchement inopiné de mon esprit critique et de ma dent féroce, une envie printanière de voir le frais côté des choses et les histoires violentes se transformer en contes de fées. D’ailleurs je me dis que c’est ça qu’a dû vouloir réaliser Ridley Scott : une parenthèse enchantée au milieu des AlienBlade runnerGladiatorPrometheus, tous films de tension, fatigants.

On pourrait d’ailleurs faire un parallèle entre ce que vit ce réalisateur de grandes machines horrifiques, grandioses, angoissantes et ce que ressent le héros de Une grande année… N’y a-t-il pas un rapport, diffus mais consistant, entre le parcours du metteur en scène et celui du principal protagoniste du film, Max Skinner (Russell Crowe) ? Un financier brillant (et un peu davantage) trader de la City, suivi aveuglément par la troupe de ses collaborateurs, dopés par les bonus qu’ils recueillent et plus encore par l’adrénaline qu’ils ressentent à chaque coup scabreux et exaltant que leur patron tente et réussit. Jusqu’à être suspendu, après un trop beau coup par le président de sa société d’investissement, sir Nigel (Kenneth Cranham) qui admire ce chien fou mais veut garder la main sur l’affaire et dompter les ambitieux.

Parce que, parallèlement, vient de mourir dans son beau domaine décrépit du Luberon, Oncle Henry (Albert Finney), délicieux hédoniste un peu décadent, qui fut jadis le renfort, le soutien, la référence du jeune Max, orphelin de ses parents. Un oncle qui a tenté de lui apprendre une assez jolie philosophie de vie, l’amour des belles choses, de la liberté et qui forge son esprit à coup de belles leçons. Ainsi, après une partie de tennis que Max a perdue contre son oncle : La victoire n’apprend rien à un homme. La défaite, par contre, peut susciter une grande sagesse, en particulier le fait d’apprécier encore plus de gagner. Le truc est de ne pas faire de la défaite une habitude.

En absence de tout testament, Max est le seul héritier de la propriété, demeure et vignes ; il arrive dans la lumineuse beauté de l’été, dans une des plus merveilleuses régions de France (donc du monde) ; il trouve une bâtisse, un jardin, mal tenus, décrépits ; le tennis à l’abandon, la piscine vide où s’est accumulée la boue. Et cela au milieu des pierres blondes et des platanes centenaires. Le vin produit est un tord-boyaux ; voilà qui le confirme dans l’idée qu’il faut vendre le domaine, d’où il conserve des souvenirs mais pour qui il n’éprouve pas d’attirance. Le domaine est géré par un type têtu, Francis Duflot (Didier Bourdon)qui s’occupe des vignes n’importe comment et sa femme Ludivine (Isabelle Candelier) qui n’en fait qu’à sa tête (et vraisemblablement qu’à ses cuises).

Et puis… et puis voilà que des souvenirs d’enfance reviennent, très fugaces d’abord, plus persistants ensuite. Et puis voilà qu’une jolie Californienne, Christie (Abbie Cornish) vient se présenter comme la fille illégitime de l’oncle Henry, qu’elle n’a jamais vu et dont elle ignore la mort… Et puis voilà que Max est fasciné par la beauté, l’allure, le piquant de Fanny (Marion Cotillard), l’aubergiste du village (Gordes).

Bâti là-dessus et après des péripéties adventices il est vrai un peu nunuches, qu’attendre davantage ? Sublime terrasse ouverte au soleil couchant sur l’océan de la beauté des vignes et deux êtres qui s’aiment. Ce n’est pas bien, cela ?

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