Une journée en enfer

Zim boum boum.

L’ombrageux, têtu et susceptible John McClane (Bruce Willis) qui, à la fin du deuxième épisode de la série qu’il incarne (58 minutes pour vivre), filait le parfait amour avec sa charmante femme Holly (Bonnie Bedelia) se retrouve, au début du troisième, à la fois séparé et alcoolique. Selon ce qu’il dit, il s’est disputé téléphoniquement avec la dame et, en une année, personne n’a eu l’élémentaire intelligence de rappeler l’autre. Cette dispute n’apporte rigoureusement rien au scénario, au demeurant, et je soupçonne qu’elle a été inventée pour la commodité de la réalisation, l’actrice n’étant pas disponible ou ne souhaitant pas reprendre le rôle. Pour le reste, on demeure sur les recettes les plus éprouvées qui ont fait le succès de la série et qui, on en convient volontiers, présentent une bien belle efficacité.

La mégalomanie grandiose des criminels que McClane – qui n’est finalement qu’un modeste flic new-yorkais – affronte fait partie du charme de la série. Dans ce troisième épisode, le mégalomane est le frère de Hans Gruber (Alan Rickman) dont notre héros s’était débarrassé dans le premier opus. Mais il est encore davantage poussé vers les hauteurs : il ne s’agit rien moins que de dérober, dans les caves de la Réserve fédérale située du côté de Wall street et détentrice de nombreux dépôts d’or des principales puissances, une belle somme de 140 milliards de dollars. Un zéphyr ! Et pour s’approprier le magot l’équipe dirigée par Simon Gruber (Jeremy Irons, glacial et glaçant) assisté d’une panthère sadique, Katya (Sam Phillips) et d’un terroriste free lance, Targo (Nick Wyman) lance toute la police new-yorkaise dans un infernal jeu de piste où McClane et un acolyte de hasard, un Noir raciste (et peut-être même suprématiste), Zeus Carver (Samuel L. Jackson) sont conduits à déminer (aux sens propre et figuré) toute une série de bombes et d’énigmes.

On ne peut pas dire que le déroulement de l’histoire est invraisemblable : il est l’invraisemblance et on voit bien que les nombreuses courses en voitures dans un New-York très embouteillé, les rétablissements de situation, les explosions qui retentissent à l’extrême seconde, les torgnoles qui tueraient un bœuf mais ne laissent que des traces sanglantes mais finalement anodines, les sauts dans le vide, les manœuvres d’hélicoptère, les craintes qu’on éprouve pour les écoliers d’une école apparemment piégée font partie d’un jeu dans quoi on s’amuse volontiers à entrer.

Car, si on n’a pas l’âme trop asséchée et cartésienne, on se laisse aller avec plaisir à cette sorte de conte de fées irrigué de trouvailles verbales de bonne qualité et des rituels agacements entre le héros, le flic mal apprécié de sa hiérarchie mais prêt à tout et capable de tous les exploits et cette hiérarchie coincée, ratiocineuse et secrètement jalouse. L’idée d’accoler pour les mêmes galère deux individus, un Blanc et un Noir, que beaucoup sépare est plutôt classique, banale et consensuelle ; mais elle ne fonctionne pas trop mal, les deux hommes étant aussi hargneux l’un que l’autre et ne cédant à la sympathie l’un envers l’autre qu’à la fin du film.

C’est plutôt sympathique donc, au demeurant. Mais on se dit néanmoins que c’est bien toujours la même recette, élaborée pour des spectateurs qui ne demandent au cinéma – ce qui n’est déjà pas mal – que du divertissement ; ça ne laisse pas beaucoup de traces et, une fois qu’on est sorti de la salle, on serait bien peu à même de raconter les péripéties qui s’enchaînent à une vitesse folle et s’évanouissent aussitôt qu’on les a vues. Rien de méchant : du spectacle qui n’a rien de ridicule ou d’infamant.

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