Volver

Femmes sans hommes.

J’ai ouï dire, il me semble (mais je n’en suis pas certain) que Pedro Almodovar est homosexuel, ce qui n’est pas un choix (ou, comme on dit aujourd’hui une orientation) mais une donnée de nature. Et François Ozon est également homo, sans conteste. Qu’est-ce que vous allez chercher là, qu’est-ce que ça vient faire ici, vil réactionnaire ? êtes-vous dès lors à deux doigts de me dire en retroussant vos babines sur vos canines aiguisées prêtes à me déchirer sur l’autel immarcescible du droit à la différence et du politiquement correct

Eh bien la polémique va s’arrêter là et votre fureur vengeresse itou. Simplement je trouve une certaine parenté à ces deux réalisateurs de talent dans leur façon de présenter le beau sexe, qu’il n’est plus question, depuis longtemps, de qualifier de faible, et de le présenter quelquefois de façon exclusive en ne mettant que lui en scène, au détriment de ces affreux bonshommes, buveurs, coureurs, violeurs, menteurs, bagarreurs, prétentieux et autres.

En regardant Volver j’ai songé au bout de quelques minutes à 8 femmes d’Ozon, film adapté, d’ailleurs d’une pièce de théâtre d’un autre homosexuel, Robert Thomas.

Les deux récits n’ont que des rapports distants l’un avec l’autre mais ils présentent tout de même des femmes un peu délaissées confrontées à leurs solitudes et à l’immense veulerie des hommes. N’est-ce pas que c’est un peu bizarre et que ça éclaire quelques pistes ?

Je ne connais pas beaucoup le cinéma d’Almodovar. Je le crois capricieux et surprenant, baroque et outrancier, parfaitement apparié à l’étrange Espagne violente, émouvante, si fascinée par la mort : très belle séquence initiale où dans un cimetière déchiré par le vent des dizaines de femmes brossent, ornent, nettoient des pierres tombales orgueilleuses, où chaque famille a mis une bonne part de sa jactance. Eh bien Volver présente une histoire bizarre, invraisemblable et attachante qui ne pouvait pas se dérouler ailleurs que sur ces terres tour à tour brûlantes et glacées.

Il faut reconnaître au réalisateur le talent de monter des récits compliqués mais clairement exposés, où les intrigues tortueuses finissent par se révéler très claires. On a beau se dire, en regardant cette histoire de meurtres multiples, d’incestes avortés ou réalisés qu’on part dans le haut domaine des folies, on marche assez bien parce qu’il y a du rythme, un tracé assez logique et des personnages bien dessinés et cohérents. On hésite bien à certains instants en se demandant si l’on n’a pas été envoyé dans un onirisme fantastique qui serait finalement assez pesant. Almodovar ne nous laisse pas le temps d’être déçus et ennuyés : il retrouve tout de suite l’équilibre et retombe sur ses pieds non sans faire un clin d’œil au spectateur à qui il réserve de nouvelles surprises ; ceci est très bien : on apprécie d’être mis en boîte et presque roulé par un funambule habile.

Et puis les actrices sont parfaites ; je ne connaissais guère que Carmen Maura qui fut une parfaite Anne d’Autriche dans Louis enfant roi de Roger Planchon ; j’avais entendu parler de Pénélope Cruz, beau brin de femme au physique un peu démonstratif bien employée dans Tout sur ma mère du même Almodovar ; mais j’ignorais tout des autres actrices, notamment Lola Duenas qui interprète Soledad, Sole, la sœur de Raimunda/Cruz et l’autre fille d’Irène/Maura, et Blanca Portillo, la singulière Agustina, cancéreuse à la recherche de sa mère disparue…

Cinéma plein d’étrangeté, assez décontenançant mais en rien inutile…

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