À ma soeur

Le destin des petits boudins.

Voilà bien le premier film que je regardais de Catherine Breillat qui, par sa jactance et ses outrances avait naguère conquis une certaine position dans le cinéma d’auteur. Je ne conteste pas à la dame un réel talent de scénariste (Et vogue le navire, un des meilleurs films de Federico Fellini); mais je ne suis vraiment pas certain que j’aurai envie de découvrir toute la filmographie de la dame, qui me semble tellement obsédée par la sexualité qu’elle fait d’une activité extrêmement agréable le pilier central et pesant de la vie humaine. Sans doute est-ce son affaire et on ne peut pas le lui reprocher, mais elle me semble un peu similaire à Roger Peyrefitte, gracieux écrivain qui ne voyait les choses qu’à travers le prisme de sa pédérastie. Chacun sa croix !

La croix de Catherine Breillat, c’est peut-être bien, peut-être aussi sa sœur Marie-Hélène, son aînée de treize mois, qui fit un passage météorique dans le cinéma français, davantage encore à la télévision, avec la série des Claudine, d’Édouard Molinaro où elle avait ravi la France entière en interprétant idéalement le personnage fantasque, libre et léger créé par Colette.Tout paraissait sourire à la ravissante actrice jusqu’à ce qu’elle soit frappée par une maladie mentale qui l’a obligée à se retirer des écrans.

Il faudrait être obtus pour ne pas apercevoir dans À ma sœur une adaptation, sans doute romancée, sans doute fantasmée, sûrement exagérée de ce qu’a dû être la vie des sœurs Breillat, filles d’une famille bourgeoise vendéenne, une bourgeoisie un peu guindée mais nullement austère, aux parents sans doute un peu indifférents aux émois adolescents des grandes filles, mais qui ne sont ni brimées, ni humiliées, ni abaissées par leurs géniteurs.

Je dis cela sans avoir beaucoup de lumières sur la famille, mais je ne peux pas ne pas voir dans le film la reconstitution de la situation vécue par Catherine – la cadette – ici nommée Anaïs (Anaïs Reboux) devant l’éclat de la beauté de Marie-Hélène – l’aînée – ici nommée Éléna (Roxane Mesquida). Une cadette moche et grassouillette, mais subtile, intelligente, pénétrante, liée par les liens du sang et de l’amour à sa grande sœur, gracieuse, ravissante, mais un peu naïve et assez coincée.

Car tout cela se passe au moment où les jeunes filles en fleur commencent à ressentir dans leur corps l’appel immémorial du désir, qu’il va bien falloir satisfaire, parce que c’est la vie et que ça ne changera jamais. Pour Élena, il suffit qu’un beau merle un peu plus âgé qu’elle, Fernando (Libero De Rienzo), opulent étudiant italien en villégiature à La Palmyre, conte fleurette à l’oiselle pour que peu à peu, luttant pied à pied afin de défendre sa virginité, elle abandonne son petit trésor. Ceci sous les yeux et la réprobation silencieuse de sa boulotte sœur, qui, très imbibée de sa gloriole, se refuse à imaginer qu’un homme qu’elle aime puisse quelque jour déchirer son hymen.

Je dois dire que de mon point de vue – celui d’un homme qui a été jeune et qui s’est quelquefois vu confronté à ce genre de drame existentiel – tout ceci est, comme on dirait aujourd’hui hors sol. J’exagère, admettant parfaitement que ce rite de passage ne soit pas identiquement perçu par les deux sexes.

Tout cela n’est pas trop mal, malgré une caméra qui va un peu dans tous les sens. Mais venons en à l’épilogue. Après que la pauvre Élena a compris à ses dépens que l’amant qui a récolté sa fleur n’était en fait qu’un petit salopard, la famille revient dare-dare à Paris. On sent bien dans le long passage des kilomètres d’autoroute, qu’il va se passer quelque chose de mauvais. On croit à plusieurs reprises que ce sera un accident avec un des mastodontes de 35 tonnes qui occupent l’espace. Ce n’est pas ça. Ce sera pire. Je ne suis pas persuadé que Catherine Breillat ait eu une bonne idée.

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