Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Que notre joie demeure

lundi, mars 11th, 2024

Le souffle de l’Esprit.

Je n’ai cessé d’écrire ici et là combien est grand, formidable, le courage d’une réalisatrice qui parvient, année après année à constituer une oeuvre cohérente et forte, malgré l’absence de tout soutien du CNC et des grands médias qui financent à tire-larigot la plupart des infamies cinématographiques fabriquées pour les soirées de TF1. Oui, courage, sens de la débrouille, capacité à mener son petit monde d’acteurs et de techniciens, ingéniosité à trouver trois francs, six sous pour boucler ses tournages. Une toute petite note d’espoir néanmoins ; je notais déjà, à la fin de Je m’abandonne à toi, son dernier ouvrage, une participation de Canal +. Et le générique de Que notre joie demeure s’ouvre sur l’affirmation de cette participation et de celle de Ciné +. L’arrivée de Vincent Bolloré dans les médias est une véritable bénédiction pour le pluralisme. (suite…)

Messieurs Ludovic

samedi, mars 9th, 2024

Mélodie des coeurs brisés.

On peut faire du bon, de l’agréable cinéma avec n’importe quoi ! En voilà une nouvelle preuve : une histoire dont les prémisses et la structure sont absolument invraisemblables, cousu de hasards miraculeux, de rencontres improbables, de retrouvailles inattendues. Mais c’est tellement ingénieux, tellement bien conçu dans son horlogerie interne qu’on y prend un grand plaisir, qu’on suit avec tendresse et intérêt les péripéties, qu’on y trouve vraiment son content. C’est certainement dû aussi à la grande qualité de la distribution : d’abord Odette Joyeux, qui est une de mes grandes nostalgies et qui a toujours, dans ses sourires, ce petit grain d’amertume qui la rend si vraisemblable. Et puis Bernard Blier, qu’on n’a jamais vu mauvais, Marcel Herrand, inoubliable Lacenaire des Enfants du Paradis mais aussi parfait Consul de Laubry dans Martin Roumagnac… Et même Jean Chevrier, souvent mièvre (Falbalas) tient là sa partie. On peut ajouter une courte mais éblouissante apparition de Jules Berry en arsouille vraiment affreuse. (suite…)

Le bateau à soupe

mercredi, mars 6th, 2024
Chronique d’un désastre annoncé.
Voilà, malgré son titre médiocre, un excellent mélodrame rude qui, en plus, a le bon esprit de se terminer très mal sur la mort, l’indifférence et l’amertume. Voilà qui change des habituelles conclusions mielleuses, douceâtres et invraisemblables : il y a des moments où la logique d’un récit, ses développements, les caractères et les comportements des personnages, leurs histoires personnelles ne peuvent que conduire aux catastrophes. On sent d’emblée que, telle qu’elle est engagée, l’histoire ne peut que mal aboutir, d’autant qu’elle se passe dans le rude milieu de la marine à voiles, à la fin du 19ème siècle, sur un bateau où le capitaine est seul maître après Dieu.

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Paradis perdu

lundi, février 26th, 2024

Le rêve passe.

Il se peut, il n’est pas impossible qu’Abel Gance ait eu du talent. Pas autant que le proclamaient François Truffaut et les petits messieurs de la prétendue Nouvelle vague, mais un peu de talent. Au fait, je n’en sais trop rien : tous ces gens-là devaient être sous l’impression de qualité des films muets que le cinéaste avait réalisés. N’en ayant vu aucun, je dois rabattre mon caquet : après tout Gance, comme Jean Epstein, comme F.W. Murnau, comme D.W. Griffith, comme Erich von Stroheim pouvait ne révéler ses qualités que dans les balbutiements du Septième art privés de dialogues. (suite…)

Maigret à Pigalle

dimanche, février 25th, 2024

Les diamants sont éternels.

Inépuisable personnage du commissaire Maigret ! Depuis 1932 (La nuit du carrefour de Jean Renoir avec Pierre Renoir) jusqu’au Maigret de Patrice Leconte de 2022 avec Gérard Depardieu on en a connu plein d’incarnations, d’ailleurs très différentes. Peu de choses en commun entre Michel SimonAlbert PréjeanJean Gabin, sans parler des illustrations télévisées de Jean Richard (il paraît moins catastrophique que d’habitude) ou de Bruno Crémer (qu’on m’a dit excellent) en fin de carrière. (suite…)

Anatomie d’une chute

mardi, février 13th, 2024

Mon Dieu quel bonheur d’avoir un mari bricoleur !

D’abord, le titre que je donne à cet avis ne peut être saisi que par qui a vu le film. Puis j’ai lu beaucoup et beaucoup d’articles dithyrambiques sur Anatomie d’une chute, film couronné par la Palme d’Or de Cannes en 2023. Au fait vous souvenez-vous des Palmes de 1965, 1973, 1992, 2004, 2007, 2017 et même 2022 ? Non, n’est-ce pas ? Reportez vous dans Wikipédia sur ces dates et ces références : vous verrez que vous n’aurez pas plus de souvenirs là-dessus que sur les Prix Goncourt 1962, 1986, 1991, 1996, 2000, 2008, 2017… Voilà qui permet de relativiser la nature de ces récompenses, qui n’ont aucune espèce d’importance trente ans après leur attribution. Rien à voir à ce qui demeure en mémoire. (suite…)

Les bonnes causes

lundi, février 12th, 2024

Les diaboliques.

Ah oui, quelle merveille que ce film des plus belles années du cinéma français, plein d’intrigues compliquées, de dialogues spirituels et intelligents (du Jeanson ! C’est dire) et de numéros d’acteurs tous plus remarquables les uns que les autres ! Je n’évoque pas même, à ce moment, les vedettes du premier rang mais tous ceux qui, pour quelques secondes quelquefois, s’ancrent dans l’œil du spectateur et donnent de la profondeur, de l’épaisseur, de la substance au film ! Qu’est-ce que nous avons perdu avec l’indifférence des rogues petits seigneurs subventionnés d’aujourd’hui pour ces modestes et indispensables serviteurs du cinéma, qui donnaient tant de plaisir ! Jacques Monod, le Procureur, Hubert Deschamps, le médecin, Mony Dalmès la tenancière des studios coquins et même Bernard Musson le majordome compassé… Sans oublier la rapide pige faite par José Luis de Villalonga dans le rôle du très rapidement mort… (suite…)

Susana la perverse

samedi, février 10th, 2024

Vipère dans la maison.

Dans la cruelle, violente, méchante période mexicaine de Luis BuñuelSusana la perverse intervient juste après le grand drame pesant Los Olvidados qui se penche sur les horreurs de la ville métropole sauvage. Le film suivant s’ancre dans la campagne, précisément dans une hacienda qu’on peut juger assez prospère, opulente, bien tenue, pleine de servantes déférentes et d’ouvriers agricoles (peines) qui obéissent au doigt et à l’œil aux ordres du propriétaire, grand seigneur rural que tous respectent. (suite…)

Quartier des cerises

mercredi, février 7th, 2024
Terra incognita.

 

Alors que depuis les désastreux accords Blum/Byrnesdu 28 mai 1946, notre France est inondée par le cinéma des États-Unis qui ne se sont pas contentés de nous envoyer des chefs-d’œuvre mais nous ont refilé leur tout-venant, nous avons bien peu reçu de films soviétiques pendant la même période. Il est vrai qu’au-delà des cercles communistes militants de France-U.R.S.S., nous nourrissions une certaine méfiance pour un cinéma jugé idéologique (comme si celui de l’Oncle Sam ne l’était pas !). Certes les cinéphiles connaissaient les noms de Poudovkine ou de l’admirable Eisenstein ; certes franchissaient de temps en temps les frontières les merveilles de Kalatozov, de Bondartchouk, d’Andrei Tarkovsky, de Paradjanov. Plus tard les films de Pavel Lounguine, d’Andrey Konchalovskiy et bien sûr de l’impeccable Nikita Mikhalkov.

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L’homme au complet blanc

vendredi, février 2nd, 2024

L’obsolescence programmée.

Il y a eu un moment délicieux dans l’histoire d’Angleterre. À la fin de leur domination impériale traduite en 1947 par l’indépendance de l’Inde, grand machin inutile et consternant, notre voisine d’Outre-Manche qui pensait avoir gagné la Guerre (comme nous l’avions pensé en 1919) a produit une kyrielle de films intéressants. Des films où elle s’affirmait indépendante de ses voisins et enfançons étasuniens, où elle apportait du piment, de la verve, de l’imagination au cinéma. Tout n’était pas de haute qualité, mais on pouvait s’étonner, même se réjouir de cette typique excentricité britannique qui n’a pas de correspondance de l’autre côté du Channel. (suite…)