Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Le cabinet du Docteur Caligari

samedi, mai 9th, 2020

La vie est un songe.

S’il ne s’agissait que de noter la restauration d’un film qui affiche désormais son siècle, on ne pourrait que donner la note maximale. Magnifique, intelligent travail qui permet au spectateur de voir une image à la pureté parfaite, de bénéficier des colorisations voulues par le réalisateur Robert Wiene pour marquer les différents niveaux de son discours et d’une musique parfaitement appropriée, composée par Rainer Viertelboeck sur des harmoniques originales qui suivent bien et enluminent même l’action décrite. Si l’on n’est ni spécialiste, ni même amateur de cinéma muet, de cet embryon nécessaire mais incomplet du cinéma que nous apprécions, on s’aperçoit vite que Le cabinet du Docteur Caligari est un jalon important. (suite…)

Soeurs de sang

vendredi, mai 8th, 2020

De l’inconvénient d’être né.

Voilà un exercice de style agréable, qui ne séduira vraiment que ceux qui ont pour Brian De Palma une certaine adulation mais qui intéressera aussi ceux pour qui cette notoriété hollywoodienne, sans pouvoir prétendre aux plus hautes destinées, n’est pas tout à fait négligeable. De Palma n’est ni Scorsese, ni Cimino, encore moins David Lynch ; c’est un réalisateur solide quelquefois, quelquefois peu inspiré ; une sorte de Jean Delannoy ou de Denys de La Patellière pour les mondialisés. On pourrait presque dire avec lui, en parodiant Truffaut que c’est l’empesage de la Qualité hollywoodienne. Peu de choses au demeurant. Quelques excellents films (Carrie au bal du DiableScarface), beaucoup de nullités (Le fantôme du paradisLe dahlia noir). Rien d’extraordinaire, jamais. (suite…)

Persona

jeudi, mai 7th, 2020

Ennuyeux comme la Baltique.

On ne parle plus guère aujourd’hui d’Ingmar Bergman, alors que des cinéastes presque aussi ennuyeux que lui, comme Michelangelo Antonioni, doivent avoir encore une petite secte (sans parler des systématiques béats des Cahiers du cinéma ou de Télérama qui sont payés pour ça). On ne parle plus guère de cet inopportun Suédois qui eut du succès à une certaine époque et empuantit beaucoup de relations amicales entre ceux qui prétendaient réfléchir au vu de ce cinéma-là et d’autres qui avaient envie de vibrer devant du vrai cinéma. Aussi incertaine qu’aujourd’hui, l’époque promouvait comme ça des turlupins comme Jean-Luc Godard et des sinistres comme Ingmar Bergman.

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L’habit vert

mercredi, mai 6th, 2020

« La dénigrer mais tâcher d’en faire partie » (Flaubert)

Déjà si L’habit vert n’était qu’une critique spirituelle, acerbe, narquoise des us et coutumes de l’Académie française et singulièrement de ses luttes électorales, ce serait déjà délicieux. Mais en plus c’est un vaudeville très amusant, très bien troussé, très vif, très enlevé sur les hypocrisies élégantes du Monde. Le Grand monde, le Beau monde. Au fait je considère, à l’encontre des rêveurs de la Gauche bien pensante, que ces hypocrisies sociales sont à peu près exactement partagées entre toutes les classes sociales ; seulement comme certaines sont beaucoup plus gracieuses et mieux élevées, leurs petits arrangements avec la morale sont davantage visibles. De toute façon, taper sur la Haute société donne toujours une sorte de délectation morose revancharde à qui n’en est pas tout en rêvant d’y être, comme le montre le succès des publications consacrées aux familles princières. (suite…)

La nuit des revenants

lundi, mai 4th, 2020

Du fin fond du gouffre.

Il y a tout de même de grands mystères dans l’histoire du cinéma. Comment se fait-il que La nuit des revenants, qui concourt, avec nombre d’autres films de son réalisateur Ed Wood au rang envié de plus mauvais film de tous les temps (il y a de la concurrence, mais celui-ci figure parmi les favoris) figure en bonne place sur la plateforme de diffusion de la chaîne Arte ? Je sais bien que, contrairement à ses débuts, il y a près de trente ans, la chaîne franco-allemande s’est un peu débarrassée de sa prétention élitiste : elle diffuse même nombre de films en VF !), mais il est tout de même rigolo de tomber dans l’abomination de la désolation et de proposer au spectateur ahuri des choses aussi extraordinaires. (suite…)

Les ensorcelés

samedi, mai 2nd, 2020

Jours tranquilles à Hollywood.

Il faut bien du talent – et, de fait, Vincente Minnelli n’en manquait pas – pour réaliser un mélodrame aussi éclatant aux péripéties largement prévisibles, aux structures presque scolaires et en faire un film où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Un film porté, bien sûr, par le jeu d’excellents acteurs, mais aussi et surtout par une grande fluidité de mise en scène, par une maestria parfaite pour conduire le récit, pourtant si artificiellement composé qu’on pourrait en faire une sorte de démonstration au tableau noir. Trois personnages conviés à répondre à l’invitation de l’aider d’un homme que tous trois ont quelque raison de détester, trois flash-backs sur les causes de cette aversion, trois décisions de refuser l’aide sollicitée puis (et ceci est plutôt artificiel) de l’accorder, dans une fin ouverte. Mais on est en 1952 et il ne faut pas être trop noir et trop pessimiste dans les États-Unis de l’époque. Dommage. (suite…)

Les visiteurs

samedi, mai 2nd, 2020

J’ai toujours aimé mon époque, ayant tôt compris que je n’en aurais point d’autre.

La vis comica des Visiteurs est à peu près l’inverse de celle du François 1er de Christian-Jaque même si l’un et l’autre film se bâtissent sur les périls du voyage dans le Temps et sur les paradoxes temporels. Je simplifie un peu, pour la commodité de ma démonstration mais il faut tout de même bien remarquer que nous nous gaussons, dans celle-là sur les tribulations d’un chevalier du Haut Moyen-Âge et de son valet projetés à la fin du 20ème siècle, dans celle-ci dans les mésaventures d’un minable régisseur de théâtre transporté à la brillante cour du Roi chevalier. Au delà de l’idée initiale, qui est de mettre en scène ce qu’on n’oserait pas appeler des chocs culturels, il y a donc des ressorts très différents.

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L’appât

jeudi, avril 30th, 2020

Les gagne-petit.

L’affaire fit grand bruit entre 1984, où les assassinats ont été commis et 1988, où le procès d’assises a condamné les meurtriers. Si grand bruit que Morgan Sportès en fit un livre en 1990 et Bertrand Tavernier un film en 1995. C’est que cette affaire-là était à la fois simple et glaçante et qu’elle en disait tant et tant sur le monde, sur les crapoteries, les saletés de la vie, sur la fascination de l’argent-roi. Et plus encore sur les tristes enfants perdus de cette société à la dérive incapables de comprendre que les actes ont des conséquences et plus encore fermés à tout autre chose que leur propre désir immédiat, absolu, envahissant, torrentueux, insurmontable…

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La double vie de Véronique

mercredi, avril 29th, 2020

Reflets dans un œil d’or.

Peu de films m’ont laissé une impression aussi étrange ; l’impression d’être devant un jardin magnifique dont je peux apercevoir la beauté, entendre la musique enchantée, mais un jardin fermé par une porte dont je n’ai pas la clef. Surpris, décontenancé par ce récit un peu magique, fantastique, empli d’émotion, de simplicité, de force et de tendresse. Interprété par une actrice dont je n’avais jamais entendu parler, Irène Jacob, qui donne son rôle à la fois unique et double une profondeur, une résonance, une beauté rares. Et tout cela soutenu par la partition magnifique du compositeur polonais Zbigniew Preisner, toujours idéalement adaptée à l’image et d’une grande beauté rayonnante. (suite…)

Symphonie pour un massacre

mardi, avril 28th, 2020

Des pissenlits par la racine.

Il y a quelques années, j’avais été très heureusement surpris en regardant un peu par hasard Rififi à Tokyo (1963), deuxième film de Jacques Deray, au titre évidemment inspiré de Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, comme Symphonie pour un massacre, troisième film, fait écho à Mélodie en sous-sol d’Henri Verneuil. Avant son tonitruant succès public avec La piscine en 1969, Deray menait une carrière sans bruit, sans doute vouée à des salles très secondaires, alors qu’il méritait bien mieux, comme le démontrent ces deux excellents films policiers de 1963. Des policiers assez brutaux, violents, peuplés de gangsters sans pitié, qui ont des complices mais qui n’ont pas d’amis. C’est certainement plus proche de la réalité que les récits qui mettent en scène des amitiés fidèles et définitives, comme dans Touchez pas au grisbi. (suite…)