La boulangère de Monceau

Et à la fin…

Et à la fin, c’est Rohmer qui gagne. Contre Rivette, le pesant, l’encalçonné de la doxa qui l’évinça des Cahiers du Cinéma, contre les théories et les ukases, c’est Rohmer qui gagne.

Évidemment, ça ne se voit pas tout de suite. En tout cas, ça ne s’est pas vu, puisque Rohmer, classé dans la Nouvelle vague ne reçut pas le succès public d’emblée que ceux qui partageaient la même étiquette, Chabrol avec Les Cousins, Godard avec A bout de souffle, Truffaut avec Les Quatre cents coups. Son premier film, Le signe du lion, magnifique récit d’une errance dans Paris, qui donna à Jess Hahn son seul et unique rôle majeur fut un bide monumental.

N’empêche que pointait déjà, et depuis quelques années, un des auteurs les plus cohérents du cinéma français, celui des Contes moraux, puis des Comédies et proverbes, puis des Contes des quatre saisons.

Court métrage de moins d’une demi-heure, La boulangère de Monceau est un petit bijou d’intelligence et de distinction, qui offre, en plus, l’une des trop rares apparitions de Michèle Girardon, tout juste revenue des savanes d’Hatari de Howard Hawks où elle parvenait, dans le rôle de Brandy, à rivaliser de charme avec la sublime Dallas, Elsa Martinelli.

Michèle Girardon, suicidée à 37 ans, pour avoir été abandonnée de la faveur du public, et sans doute de celle de son amant, José Luis de Villalonga, rencontré sur le tournage des Amants, de Louis Malle. Eh oui : Hawks, Malle, Rohmer… elle n’était pas en mauvaise compagnie…

Donc 26 minutes de pur plaisir. La photogénie de Paris, de l’avenue de Villiers et de la rue de Lévis, ce coin privilégié entre Monceau, Batignolles et Épinettes, de boulevards chics et de rues presque populaires. Un Paris filmé avec tendresse, talent et légèreté, comme Agnès Varda l’avait fait, sur d’autres quartiers avec L’Opéra Mouffe ou Cléo de 5 à 7.

Et l’intelligence des situations, toujours royale chez Rohmer, menée avec trois francs, six sous, trois acteurs, quelques dialogues, un peu de monologue intérieur, trois sourires. Du pur classicisme. Du grand art, qui annonce les merveilles qui vont suivre.

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