Le Trou normand

C’est idiot sans être marrant.

J’aimerais bien aller dans le sens de ceux qui ont entrepris de ne pas accabler ce cinéma  bon enfant, qui a été indispensable au cinéma tout court, qui avait besoin de sa simplicité, de ses vedettes, de ses truculences pour que puissent émerger des œuvres plus ambitieuses et mieux tenues. J’aimerais bien trouver dans le foisonnement des acteurs de second rang, tous plus sympathiques et talentueux les uns que les autres des raisons de défendre Le trou normand, son récit bonhomme, la douceur paisible des villages de 1952, les bistrots où la société se retrouve, les écoles peuplées de garnements obéissants (faux oxymore volontaire) et la religion du certificat d’études qui valait bien autant qu’un baccalauréat d’aujourd’hui.

Mais ce n’est tout de même pas possible : c’est trop bête. Remarquez bien qu’il ne faut pas regretter que des films comme celui-là soient encore vivants et fulminer que des chaînes de télévision marginales les diffusent, même hideusement colorisés. Somme toute il n’est pas d’exploration qui soit inutile et il existe de savants archéologues qui passent leur vie à décompter et à étudier les fragments éclatés de poteries pré-achéennes découvertes sous un tumulus, puis rédigent sur ce passionnant sujet des monographies considérables vendues (on ne sait à qui, mais en tout cas proposées à la vente) dans des boutiques spécialisées du Quartier latin.

Archéologie déjà, que la présence, la toute première présence à l’écran de la très jeune (18 ans) Brigitte Bardot, déjà aussi charmante et dépourvue de talent qu’elle l’a toujours été. Archéologie aussi, d’une certaine façon, la fin des niaiseries normandes de Bourvil, qui s’était trop longtemps complu dans ce personnage de nigaud, de benêt campagnard, inauguré dans Pas si bête d’André Berthomieu en 1947.

 

Comment d’ailleurs les Français, peuple prompt au sarcasme pouvaient-ils supporter de placer en tête d’affiche pareille représentation d’un gentil crétin aux bons yeux, traînant un évident pucelage même à un âge largement nubile ? Il est vrai que le film de Jean Boyer et ceux de la même farine devaient, davantage que dans les grandes cités, trouver leur public dans des bourgades très rurales où les personnages archétypiques de ce cinéma pouvaient facilement être assimilées à des villageois bien connus. Archéologie, enfin, ce certificat d’études qui était un des premiers rites de passage des sociétés traditionnelles, motif de fierté ou de honte pour les familles, avant le second et définitif rituel du conseil de révision et du service militaire…

Ayant écrit ça, on a à peu près fait le tour des minces qualités et sujets d’intérêt (très relatif) du Trou normand et on est bien obligé de se heurter à l’infinie bêtise du scénario d’Arlette de Pitray, petite-fille de la Comtesse de Ségur, mais qui n’avait pas le quart du tiers du talent de son aïeule, n’en avait gardé que les fins heureuses mais y avait ajouté une dose de mièvrerie peu supportable.

Donc le brave Hippolyte (Bourvil), amoureux transis de sa cousine Javotte (Bardot) n’héritera de son oncle Célestin l’auberge du Trou normand que s’il parvient à décrocher dans l’année son certificat d’études. Faute de quoi, c’est Augustine la charcutière (Jane Marken), mère de Javotte qui récupérera l’auberge et le magot. On imagine les ramifications torrentueuses de ces prémisses excitantes : on ne sera pas déçu, c’est aussi mauvais qu’on devait le craindre.

Comment avons-nous pu ?

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