Sylvia Scarlett

Drôle de frimousse.

Comment comprendre le goût marqué des Anglo-Saxons pour le travestissement, le déguisement qui fait miroiter des ambiguïtés sexuelles quelquefois assez scabreuses ? La première fois que j’ai vu La grande illusion de Jean Renoir, j’avais été assez frappé et un peu choqué de découvrir les prisonniers britanniques costumés en femmes lors de la représentation théâtrale (qui se conclut par une vibrante Marseillaise à l’annonce de notre reprise de Douaumont). Un peu plus tard les aventures de Tony Curtis et de Jack Lemmon dans Certains l’aiment chaud de Billy Wilder) ; puis, pêle-mêle Tootsie de Sydney PollackVictor-Victoria de Blake EdwardsMadame Doubtfire de Chris Colombus…Décidément les public scholls et la marine à voile ont laissé des traces…

  Voilà que je découvre Sylvia ScarlettGeorge Cukor joue lui aussi sur ces zones troubles où l’apparence d’un changement de sexe entraîne presque évidemment une kyrielles de scènes qui côtoient des limites et où le spectateur est – paraît-il – convié à s’interroger sur sa propre identité. Diable ! C’est en tout cas ce qui est, dit-on, requis par la communauté homosexuelle qui semble s’être arrogé le droit de qualifier d’œuvre militante ce qui n’est à mes yeux qu’une aimable pochade.

Pochade assez singulière, d’ailleurs qui n’a pas de plus grande qualité que de mettre en pleine lumière le très grand talent de Katharine Hepburn qui, bien qu’elle ait alors 25 ou 26 ans, parvient à interpréter de façon superbe un adolescent ; et le grand talent de Cary Grant impeccable escroc plein de charme et totalement amoral. Assez bizarrement, le film commence avec un excellent rythme de comédie, une comédie virevoltante, enlevée, légère qui voit Henry Scarlett (Edmund Gwenn), assez mesquin filou, fuir Marseille où sa femme, française, vient de mourir, en compagnie de sa fille Sylvia/Hepburn déguisée en garçon. À l’arrivée en Angleterre, le père et la fille travestie se font arnaquer par Jimmy Monckley (Cary Grant) type beaucoup plus habile qu’eux qui leur propose, bon bougre de travailler ensemble. S’ensuit une assez amusante cavalcade de friponneries qui, d’ailleurs, ratent toutes.

Première rupture de ton assez bizarre : flanquée de Maudie (Dennie Moore) ancienne maîtresse de Monckley à qui Henry Scarlett a fait les yeux doux, les coquins s’en vont faire les pitres sur la côte ; on comprend mal comment l’habile Monckey/Grant se résout si vite à mener une vie de traîne-patins, forcément parcimonieuse et aventureuse, en tout cas sans aucun espoir de gain important. Les nouveaux baladins rencontrent fortuitement une troupe de joyeux drilles, une coterie de gommeux conduite par Michael Fane (Brian Aherne), qui est peintre, assez fortuné et vaguement amoureux d’une délicieuse tornade blonde, une aristocrate exilée, Lily Doubetzky (Natalie Paley qui était, d’ailleurs effectivement une princesse russe chassée par la Révolution d’octobre).

Et là deuxième rupture de ton du film : il y a une suite de chassés-croisés amoureux, aussi peu crédible que ridicule. De séquence en séquence les amours évoluent, se font et se défont et lorsqu’on croit avoir touché une rive solide, voilà que la falaise s’effondre. De façon très incongrue, il y a, goutte d’ombre dans les nuées, la mort (le suicide ?) du père de Sylvia, persuadé (il n’a pas tort) que la crispante Maudie lui est infidèle. Et puis par un coup de baguette magique tout s’arrange et les vrais amoureux se jettent dans les bras l’un de l’autre. On en est bien content.

Mais, sans s’être ennuyé, on a été bien décontenancé par cette histoire décousue, sans charme, simplement illuminée par le talent des deux acteurs principaux…

 

 

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