Les neiges de Grenoble

Compassé.

Il est décidément bien difficile de faire vivre les instants assez magiques de ces journées quadriennales où les triomphes – et les déceptions – des champions, la beauté des images sportives, l’atmosphère enfiévrée des sites de compétitions constituent – sont censées constituer – des parenthèses enchantées dans la grise permanence des préoccupations du monde. Avec Treize jours en France,Claude Lelouch et François Reichenbach, dans un film sans commentaire écrit, ne cessaient d’hésiter sans cohérence entre la relation des épreuves et la mise en valeur de l’ambiance qui prévalait alors dans la capitale du Dauphiné.

On ne peut pas dire que Jacques Ertaud et Jean-Jacques Languepin aient mieux réussi avec Les neiges de Grenoble. Pourtant Ertaud, qui avait été directeur de la photographie du magnifique Vive le Tour ! de Louis Malle (1962) et avait réalisé, à la gloire de l’athlétisme, en 1966, de magnifiques Rendez-vous de l’été avait montré qu’il savait filmer le sport. Mais il est vrai aussi que les sports d’hiver sont, à quelques exceptions près, fort peu spectaculaires puisqu’ils sont soumis au chronomètre et non à la bataille directe. Dans Les neiges de Grenoble il y a une bonne idée, la tentative de présenter, en montage parallèle, les courses de deux champions Jean-Claude Killy et Willy Favre (premier et deuxième du slalom géant) mais comme les moyens techniques de l’époque ne permettaient pas d’incruster les temps de passage, comme on le fait aujourd’hui, ça reste assez vain.

Ce qui est amusant, c’est aussi les points de vue de jadis confrontés à ceux d’aujourd’hui. Ainsi une séquence intitulée Les sports oubliés où figurent la luge et… le biathlon, discipline jugée dorénavant la plus télégénique et qui a fait pratiquement disparaître des écrans le ski nordique, le ski de fond, moins spectaculaire mais beaucoup plus authentique. Introduit aux Jeux de Squaw valley en 1960, le biathlon ne comptait alors qu’une seule épreuve (masculine). À Grenoble, il y en avait deux (une individuelle et un relais). Désormais il y en a 11, masculine, féminine et… mixte (!), les télévisions étant friandes du spectacle où sur les séries de tirs à la cible, tout peut être remis en question.

Comme il est officiel, le film accorde un peu davantage de place à la cérémonie d’ouverture, le déploiement du drapeau par les chasseurs alpins du 6ème BCA, le serment olympique prononcé par Léo Lacroix (vice champion de descente en 1964, à Innsbrück) et naturellement l’allumage de la vasque où brûlera la flamme par Alain Calmat et la proclamation d’ouverture du général de Gaulle.

Au contraire de Treize jours en France, Les neiges de Grenoble sont commentées en voix off, souvent dans un style ici trop technique, là trop grandiloquent, voire pontifiant. Il s’achève sur l’épreuve de saut à skis, sur le tremplin de Saint Nizier du Moucherotte (désormais en ruine) où les champions sont perçus comme des obus (en accéléré) ou comme des goélands (au ralenti).

Tout ça ne parvient pas à la cheville des Dieux du stade de Leni Riefenstahl (1936 – Berlin) ni de Tokyo Olympiades de Kon Ichikawa (1964 – Tokyo).

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