Les Tuche 3

De belles années s’annoncent.

S’agissant de mon hygiène mentale, je voulais savoir si je pouvais regarder quelque chose comme ça, c’est-à-dire descendre encore au dessous du Zéro dont j’avais affublé les deux premiers films de la série des Tuche. En vieillissant, on est continuellement contraint de se vérifier, se contrôler, s’examiner pour constater l’inéluctable dégénérescence cervicale (intellectuelle, si vous préférez, mais ça ne trompe personne) qui survient au delà de la soixantaine. Remarquez, les jeunes, ne vous réjouissez pas trop vite : selon les meilleures autorités scientifiques, la sclérose du cristallin commence à 18 ans).

 

Donc le troisième opus (toi savoir ? c’est un mot latin) de la saga (toi savoir ? c’est un mot scandinave) de l’inénarrable famille Tuche qui a rallié les suffrages de millions de Français. Ça plaît, ça fait rire, c’est sympathique et bien interprété.

Mais non ! C’est dégueulasse, c’est choquant, c’est immonde et dégradant et méprisable. Je dis bien méprisable alors même que je n’ai aucune animosité particulière pour Jean-Paul RouveIsabelle CarréClaire Nadeau ; des gens qui doivent bien payer leur bifteck et leurs impôts. J’ai écrit ça cent fois à propos de tous les coureurs de cachet du cinéma depuis cent ans et davantage.

Mais en fait ce que je peux mépriser bien davantage que les acteurs qui doivent bien vivre, c’est le public immonde qui va voir ça. C’est-à-dire vous et moi (mais surtout vous), chers compatriotes qui se complaisent à voir ridiculiser leur pays, leurs institutions, leurs espérances. J’ai tout de même un peu honte, très honte, en fait, que des millions de spectateurs soient allés s’esclaffer devant ça, ce film ridicule qui nous ridiculise.

Tout le monde glose sur la désaffection subie par notre régime et notre démocratie ; tout le monde déplore que les Français désertent les urnes et le suffrage universel ; tout le monde voit dans ce désintérêt massif une trace, un signe d’une mauvaise santé de nos libertés. Et tout le monde est heureux de se voir humilié, ridiculisé, offensé par une troupe de gugusses narquois qui n’a pour objectif que de nous détacher plus encore de notre pays.

Je ne voudrais pas attacher trop d’importance à ce que j’ai vu ; et d’ailleurs que je n’ai pas vu jusqu’au bout, lâchant l’affaire au bout d’une heure tant j’en étais las et écœuré ; ça flatte le populo, ça le méprise au delà du concevable. Moi qui n’ai jamais eu beaucoup de dilection pour le suffrage universel, j’ai tout de même été indigné par l’usage que le réalisateur, Olivier Baroux, déjà auteur des deux premiers opus en a fait. Et puis je trouve assez honteux qu’on ait permis à cette équipe de branquignols d’aller tourner des images au Palais de l’Élysée qui, quoi qu’on puisse en penser, est une sorte de symbole important de notre pays et de nos institutions.

Bon. J’ai peut-être tort de faire toute une choucroute de ce truc méprisable et dégradant ; pourtant, à compter d’un certain nombre de spectateurs un film n’est plus une réalisation de divertissement mais un phénomène de société. Et voilà que l’avenir s’annonce sous d’affreux auspices. Il y a des jours où, si opposé qu’on le soit en principe, on aimerait voir établie une censure préalable à ce genre d’horreurs

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