Quantum of solace

Coups tordus, coups fourrés, coups ratés

Est-ce que j’aurais davantage apprécié Quantum of solace si, avant de regarder le film, j’avais su qu’il s’agissait d’une suite directe de Casino Royale où, en 2006, Daniel Craig faisait ses premiers pas dans le rôle ? Le sachant, donc, je me serais évertué à relire le long, très long, interminable résumé du premier film publié sur Wikipédia par un quidam bienveillant mais fort peu clair ; j’aurais donc resitué plus aisément des personnages de Quantum qu’ils soient seulement évoqués (Vesper Lynd) ou incarnés, M. White (Jesper Christensen) ou René Mathis (Giancarlo Giannini), qui m’ont semblé apparaître dans le courant du récit comme de la soupe sur les cheveux.

Mais, va-t-on me dire, n’avez-vous pas vu, jadis ou naguère, Casino Royale et n’avez-vous pas même, en toute impudence, donné un commentaire au film ? Certes, si, mais si l’ordinateur n’avait pas une mémoire bien plus longue que la mienne, j’aurais, la tête sur le billot, assuré que je n’avais encore jamais rencontré le visage buté et soviétique de MM. Daniel Craig. C’est dire si l’adaptation par Martin Campbell du premier (en date), roman de Ian Fleming m’avait marqué ! Il est vrai que cette adaptation-là était pure trahison et ne comportait pas le quart du tiers de l’humour du Casino Royale de John Huston (et Woody Allen), parodie psychédélique cavalcadante.

Trahison, disais-je et pure invraisemblable accumulation de péripéties sans signification ; on l’a dit assez : les romans de Fleming sont bâtis sur le contexte de la Guerre froide  et de la lutte sans merci du camp communiste et du camp présenté (abusivement) comme celui de la Liberté. L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 a rendu la mine d’or moins rentable, même si on a artificiellement tenté d’en prolonger l’exploitation : Goldeneye – 1995, Demain ne meurt jamais – 1997 – Le monde ne suffit pas – 1999 – mais à dire vrai c’est sur la décomposition de l’empire soviétique que se fondent les deux derniers films.

De crainte de mécontenter les Seigneurs du pétrole, on n’a pas remplacé l’ennemi russe par l’ennemi musulman ; on est donc revenu aux vieilles recettes qui avaient fait la fortune du SPECTRE : des organisations avides de pouvoir et d’argent ; d’ailleurs là, on est certain qu’on ne manquera jamais de gens à détester.

On élabore donc un salmigondis immangeable, dont la philosophie (si on peut dire) est infantile et dont les complications sont infernales : pour comprendre exactement l’intrigue de Quantum of solace, il faudrait continuellement faire des pauses dans la lecture du DVD et prendre des notes comme on le ferait dans un ouvrage de métaphysique : aucun cerveau normalement constitué (c’est-à-dire un peu frotté aux Humanités) ne peut sinon saisir les péripéties virevoltantes, incongrues, absurdes et malheureusement souvent ennuyeuses de ces nouvelles aventures du tueur 007, materné comme un enfant immature par M, le chef du MI6, l’agence de renseignement britannique qui, depuis quelques épisodes est une femme (Judi Dench), d’ailleurs, et on ne voit pas pourquoi même si on n’a rien contre.

Ce gloubi-glouba est filmé avec tous les tics systémiques du cinéma d’action de notre siècle : on voit que les films sont préparés pour les salles de multiplexes de banlieue où il faut un montage hyper-violent, des images hurlantes, des explosions continuelles, un cinéma pour consommateurs de bassines de pop-corn, de drogues diverses et de gaz hilarant. Les acteurs sont tous, naturellement, en dessous du niveau. Si Daniel Craig a deux sous de dignité, il doit être un peu gêné d’être placé dans le même wagon que Sean Connery (ou même Roger Moore) ; Mathieu Amalric qui possède, de fait, une bonne gueule de méchant, est sans épine et sans saveur. Les filles sont aussi lisses et insignifiantes que toutes les James Bond girls (à de rares exceptions près), mais que pourrait-on leur demander d’autre ?

Cette nullité ne m’empêchera pas de regarder la suite de la franchise : j’ai une sorte de triste volupté (on appelait ça jadis la délectation morose) à contempler les décadences. Un de ces quatre je me repasserai Bons baisers de Russie ; quel bonheur en perspective !

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