Skyfall

Une pause sans conséquence.

Dans la longue capilotade qui anéantit graduellement la plus longue franchise de l’histoire du cinéma (enfin, je pense, la plus longue), Skyfall apparaît plutôt comme une bonne surprise. Une surprise convenable, en tout cas. Et cela tout au moins si l’on admet bien que les diverses incarnations de James Bond au 21ème siècle (et dès avant d’ailleurs) n’ont absolument plus rien à voir, sinon l’appellation (de moins en moins contrôlée) et quelques tics mémoriels avec l’espion froid, élégant, désinvolte, cruel, distant, sans états d’âme si parfaitement incarné jadis par Sean Connery.

Si preuve il devait y avoir de cette affirmation, il n’y aurait qu’à considérer, dans Skyfall, l’importance démesurée donnée au rôle de M (Judi Dench), chef du MI6 depuis Goldeneye en 1985 et qui dans le film de Sam Mendes est présentée presque au premier rang. Je ne dis pas tout à fait que Bond (à nouveau incarné par Daniel Craig qui ressemble davantage à un tueur soviétique qu’à un gentleman britannique), que Bond, donc, est presque le faire-valoir de sa patronne, mais je n’en suis pas loin. Car une bonne partie de l’intrigue tourne autour des relations troubles qu’entretient M avec ses agents. Une relation maternelle et violente, d’une certaine façon incestueuse, reflet d’une personnalité en constant conflit personnel.

Parmi les bons côtés du film, on trouve une intrigue qui est certes compliquée mais à peu près compréhensible pour une intelligence moyenne. Des séquences vraiment spectaculaires dans des décors exceptionnels : je mets ainsi au meilleur la poursuite en motocyclettes sur les toits du Grand bazar d’Istanbul; mais j’aime bien aussi l’idée de faire intervenir les redoutables varans de Komodo au milieu de la fosse d’un casino de Macao où luttent notre ami et une brute épaisse :   : le cri de l’homme saisi à la jambe et attiré dans l’antre du monstre est bien glaçant. D’ailleurs, d’une façon générale, les images sont réussies et le rythme agréable pour le spectateur. Et puis ça permet de découvrir Shanghaï, une ville qui a beaucoup changé – en mal – depuis l’admirable Lotus bleu de Tintin.

Un excellent point, le choix du Méchant, Raoul Silva, ancien agent du MI6, sacrifié par M lors de l’évacuation de Hong-Kong par les Britanniques et qui lui voue depuis lors une rancune inexpiable. Javier Bardem possède le style, la dégaine, l’allure, l’ambiguïté et aussi la capacité de montrer une violence froide, une haine palpable tout à fait remarquables. Cela bien dans la ligne de son rôle d’Anton Chigurh, le tueur psychopathe de No country for Old Men des frères Coen.

Grande déception, en revanche, avec les deux Girls attribuées à Skyfall. Non qu’elles soient physiquement médiocres, évidemment : la belle fille n’a jamais été denrée rare au cinéma, surtout dans ce genre de films. Mais ni Bérénice Marlohe, belle potiche à longues jambes, ancienne esclave sexuelle des délicieux bordels de Macao, assez vite fracassée par Silva, dont elle était la maîtresse, ni – surtout – Naomie Harris,d’abord agent discipliné du MI6 et qui se révélera ensuite (ouaf ! ouaf !) comme la nouvelle – ou l’éternelle ? – Monneypenny, ne supportent la comparaison avec les grandes illustrations de la saga : ternes et sans personnalité, ni intérêt.

La fin du film, dans les landes désolées et affreuses d’Écosse est beaucoup trop longue et tire à la ligne. Et la mort qui se veut pathétique de M, sorte de figure idéalisée de la maternité sévère constitue un des moments vraiment grotesques du cinéma.

À part ça, c’est convenable. Si on appelle ce genre de trucs du cinéma.

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