Hugo Cabret

Fondu déchaîné.

D’abord, évidemment, c’est un film de Martin Scorsese, un des grands réalisateurs qui comptent dans le cinéma d’aujourd’hui, dont j’ai beaucoup aimé Taxi driverRaging Bull (malgré ma détestation de la boxe) et avant tout After hours ; et, en dernier lieu, profond et grave, Silence. Puis c’est un film pour jeune public, comme on dit, qui ne va pas chercher chez des super-héros étasuniens un sujet à base de performances quasi magiques ; et ce n’est pas un amateur du Magicien d’Oz qui dira du mal d’un récit dédié à l’âge heureux et capable de lui faire ouvrir de grands yeux émerveillés. Enfin on ne peut qu’être heureux de voir un film venant des grandes compagnies d’Hollywood rendre un hommage déférent à un des pionniers français du cinéma, Georges Meliès, bricoleur de génie, fantaisiste, magicien, inventeur, rêveur, équilibriste…

Ce n’est pas non plus une mauvaise idée que de bâtir le récit en multipliant les rencontres magiques, les événements miraculeux, les hasards fantastiques qui font les belles histoires et les belles aventures. Après tout un des plus jolis récits des vingt dernières années, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain est fait de ces circonvolutions enchantées, semblables aux plus charmantes légendes que les enfants écoutent en sentant battre leur cœur et regardent en s’éblouissant comme devant des étoiles vermeilles. Et aujourd’hui, mêler les prises de vue réalistes aux ressources infinies du tournage numérique peut donner une certaine vigueur et du rythme à un film que l’on souhaite virevoltant.

Mais je crois qu’on ne doit pas mélanger les styles entre une fiction surjouée et un documentaire sur la mémoire du cinéma. Le roman graphique qui reconstitue un Paris de carte postale, qui vient, en un zoom rapide, s’insérer à l’intérieur des monuments, des ateliers, de l’horlogerie même, ne manque pas de qualité, séduit par l’inventivité de la démarche, amuse par ses cabrioles sympathiques. Parallèlement, le récit – tout à fait exact, hélas – des échecs subis par Méliès,la dégringolade de ses entreprises, sa déchéance financière, sa reconversion en obscur petit boutiquier qui ne veut plus entendre parler des succès et des ambitions passés a tout pour donner au spectateur le sentiment de la fragilité des triomphes du spectacle, de la précarité de la situation de bateleur public. Mais le mélange ne prend pas tout à fait, laisse insatisfait, vaguement déçu.

On aimerait aimer, évidemment, pour les raisons énoncées plus haut ; on n’est pourtant pas certain que si on avait emmené des gamins de l’âge d’Hugo (Asa Butterfield) et d’Isabelle (Chloë Grace Moretz), on n’aurait pas subi, en sortant de la salle, une moue un peu décontenancée…

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