96 heures

Charmants garçons.

J’ai le sentiment que tout le monde partage le point de vue que 96 heures, parti sur des chapeaux de roues, avec fièvre, tension, anxiété, montage serré, lumières sales se termine en eau de boudin, même de façon complétement ridicule. Les dernières vingt minutes font s’effondrer le jugement très positif que jusqu’alors on pouvait porter et, le mot Fin apparu sur l’écran, on est bien content que ce soit terminé, tant on se demandait jusqu’ou Frédéric Schœndœrffer allait pouvoir abîmer un film pourtant sacrément bien engagé.

Rien à dire sur les acteurs : Niels Arestrup n’a jamais raté grand chose ; on peut simplement regretter qu’il n’ait jamais interprété un rôle majeur dans une grande réalisation, mais il est certain que si l’on établit un jour un index des grands seconds rôles du cinéma des quarante dernières années, il y occupera une place majeure ; je suis habituellement plus réservé vis-à-vis de Gérard Lanvin, qui en fait trop dans le maxillaire viril et policier, mais il est remarquable ici, portant sur les épaules tous les accablements d’une vie professionnellement réussie et sentimentalement ratée. Les actrices ne sont pas désagréables ; Sylvie Testud a toujours été à la pointe de la finesse, Anne Consigny fait le job ; j’ignorais tout de Laura Smet qui est, paraît-il la fille du sonore Johnny Hallyday : elle n’a pas d’importance, elle ne laisse aucune trace, elle est très mauvaise actrice.

C’est d’ailleurs là un des graves défauts du film : l’inutilité entière des personnages féminins, sans doute ajoutés par devoir paritaire et pour les nécessités de la production. Parce que ces personnages n’apportent absolument rien au scénario, ne font que l’alourdir sans finesse, alors qu’il devait et pouvait être tendu comme une corde de piano.

On ne peut pas dire que ce scénario soit d’une originalité confondante, mais on s’y laisse prendre : grâce à des complicités et d’importants moyens, les complices de Victor Kancel ( Niels Arestrup), incarcéré depuis trois ans après un gros casse, parviennent à extraire leur patron du centre pénitentiaire de Liancourt (Oise). Comment ? En produisant de faux documents aux personnels pénitentiaires en présence de Gabriel Carré (Gérard Lanvin), patron de la Brigade de Répression du Banditisme, enlevé à son domicile. Car l’objectif de l’opération est non seulement de libérer le malfrat, mais aussi d’obtenir de Carré le nom de l’indicateur qui a donné Kancel à la police.

Commence alors une garde à vue de 96 heures, délai qu’octroie à Kancel à Carré pour parler. Jusque là, tout va bien : il y a un duel, un défi entre les deux hommes, qui se connaissent bien et, d’une certaine façon, ne se détestent pas. Il y a de la tension, des manœuvres, des rapports de force très bien menés. D’autant que si Kancel compte, parmi ses trois complices un fidèle, Abdel (Slimane Dazi), il en a deux autres, deux sauvages Slaves (ben voyons…) Sacha (Jochen Hägele) et Joseph (Pierre Kiwitt) qui n’ont d’autre souci que de récupérer leur part de magot qu’ils croient dissimulé par Kancel.

À noter que les cinq hommes se sont enfermés dans un chef-d’œuvre de l’architecture moderne, la Villa Paul Poiret à Mézy-sur-Seine construite par Robert Mallet-Stevens en 1925.

Donc un flic tout seul face à des bandits sanguinaires qui l’ont emprisonné dans une cave et menacent à tout instant de le tuer. Et le feront au bout de quatre jours. Jusqu’à ce que…

Mais c’est là que ça se gâte, la première heure passée. Où il faut bien employer les rôles féminins et faire avancer l’action. Et là c’est plus que décevant : les dix dernières minutes sont particulièrement pénibles et même ridicules. Combien de fois ai-je écrit ici et là que rien n’est plus difficile à réussir qu’une bonne fin ?

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