Assassins et voleurs

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Délicieusement immoral

J’ai dû, sur je ne sais plus quel fil, faire un peu la fine bouche devant Assassins et voleurs, dernier film du grand Sacha Guitry avant sa mort, puisque La vie à deux est sorti après la disparition du maître de l’esprit français.

J’ai dû faire la fine bouche parce que mon souvenir était passablement ancien et que, consciemment ou non, je le mettais dans le même sac que Les trois font la paire qui est tout de même beaucoup moins bien.

Mais là, quel régal, même si la voix de Sacha, l’œil de Sacha, les génériques merveilleux de Sacha ne sont plus là ! Il y a, en tout cas, tout son esprit, sa finesse, sa virtuosité, cette élégance inimitable qui a ravi la France pendant un demi-siècle…

Film d’une réjouissante et totale immoralité, un peu dans la veine du Roman d’un tricheur, film tout entier dominé par la personnalité d’un fringant et narquois Jean Poiret, qui ravale Michel Serrault au rang d’un honnête et talentueux faire-valoir et organise tout le reste de la distribution autour de son rayonnement ; il n’y a guère que la prestation bafouillante et – à mes yeux – agaçante de Darry Cowl qui me gêne un peu : on me dit que Guitry appréciait sa faculté de dérapage et son hystérie illuminée ; je veux bien, mais on ne m’empêchera pas de penser que la séquence où Cowl cowlise à qui mieux mieux aurait bien pu être imposée par la production pour avoir un nom sur l’affiche.

Cela dit, si ce n’est tout de même pas au niveau du Roman d’un tricheur, de La Poison ou de Faisons un rêve, si ça démarre un peu lentement, si Clément Duhour – lanceur de poids et de disque sélectionné aux J.O. de Los Angelès de 1932, soit dit en passant – joue, comme d’habitude, terriblement mal (mais ça ne manque pas de charme), si c’est davantage composé de scènes amusantes et hétéroclites que véritablement construit, c’est d’une ingéniosité sans pareille.

Les scènes dans la Maison de repos – où l’on retrouve plusieurs des habitués de Guitry, dont Pauline Carton, Lucien Baroux ou Yvonne Hébert sont peut-être un peu excessives ; mais la série de coquineries et d’escroqueries arnaqueuses finales est prodigieuse de drôlerie.

En conclusion, d’ailleurs, Guitry le fait dire par Serrault à Poiret comme une évidence : Les coïncidences qui font que nous nous trouvons réunis – et qui sont évidemment totalement invraisemblables – sont de celles sans lesquelles il ne pourrait y avoir ni roman, ni pièce de théâtre, ni film !.

Et ça se termine sur un méchant et génial coup de revolver qui ponctue délicieusement un bon, un très bon, un excellent film.

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