Au revoir là-haut

Quand passent les faisans.

Il paraît que le livre du même nom dont est adapté le film n’est pas sans qualités. Ne l’ayant pas lu et n’ayant aucune intention de le lire, je veux bien croire ceux qui lui ont trouvé du suc. Comme il est, paraît-il, retranscrit avec une grande fidélité par Albert Dupontel, il n’est pas impossible de penser que ce qui fonctionnait avec maîtrise et talent dans les pages du bouquin perd, retranscrit sur l’écran, vraisemblance et pertinence et rejoint les funambulesques arabesques du peu regretté (je parle pour moi) Sébastien Japrisot.

C’est en effet la même trame d’invraisemblances et de coups tordus qui aboutissent, en se liant, à de belles conclusions rassérénantes dont il est question. Et si j’ai cité Sébastien Japrisot, c’est en me rappelant une de ses œuvres les plus ridicules, Un long dimanche de fiançailles hélas mis en scène par Jean-Pierre Jeunet qui se situe, lui aussi, dans les franges douteuses de la Première guerre mondiale et plus exactement. dans les années sidérantes qui l’ont suivie, avec les millions de morts et d’estropiés, l’angoisse de la recherche des disparus, la désolation des contrées entières détruites et les profiteurs malins qui se dépêchent de faire beaucoup d’argent sur les blessures béantes, ouvertes pour ne jamais se refermer. Sur ce thème, il y a tout de même infiniment mieux avec La vie et rien d’autre de Bertrand Tavernier qui demeure sur le registre grave et ne prétend pas aller vagabonder sur des territoires incertains et trop souvent funambulesques.

Si je compare Au revoir là-haut et et Un long dimanche de fiançailles, c’est pour la bonne et simple raison que les deux films, les deux histoires s’appuient sur des destins particuliers, au demeurant très bizarres et, au plein centre du chaos, y dressent des péripéties très singulières, finalement assez ridicules. Je ne dis pas qu’au milieu des grands conflits il n’y ait eu ce genre d’histoires invraisemblables et je ne dis pas non plus qu’il n’y ait pas quelque plaisir à s’évader de la lourde contingence des batailles. Mais pour que ces péripéties séduisent, il faut plus et mieux.

Ayant écrit cela, je me décontenance un peu moi-même : comment se fait-il que je puisse autant apprécier les histoires rocambolesques de Gaston Leroux, les aventures picaresques de Rouletabille, comment se fait-il que je puisse frémir autant devant les exploits monstrueux décrits par Pierre Souvestre et Marcel Allain instituant Fantômas en absolu génie du crime et que je ne puisse pas marcher un instant dans l’histoire écrite par Pierre Lemaître qui reçut à ce titre un prix Goncourt en 2013 ? Ce n’est sans doute pas une histoire de talent intrinsèque… Alors la transposition par Albert Dupontel ? Je n’en sais rien ! Toujours est-il que je n’ai pas accroché une seule seconde à cette histoire d’Édouard Péricourt (Nahuel Pérez Biscayart), fils de famille qui s’imagine méprisé par son père (Niels Arestrup) et qui, la gueule cassée durant les combats, refuse de revenir chez lui et grâce à l’amitié, née dans les tranchées d’Albert Maillard (Albert Dupontel, lui-même) va vivre une drôle de vie assez funambulesque.

Comme le film bénéficie d’un peu de rythme, on en oublie assez facilement le ridicule des péripéties. Rythme, assurément et importants moyens qui permettent de montrer de belles tenues et de beaux endroits. Pour autant aucun des personnages n’a la moindre substance, même, malgré son immense talent, Niels Arestrup (Marcel Péricourt). On a l’impression que tout le monde est bien content de tourner dans de beaux costumes Années folles et d’attendre que le cachet tombe. Remarquez, ça a marché ; ce film d’une grande nullité a tout de même obtenu cinq Césars. Ce qui donne à penser.

Leave a Reply