Danger Diabolik

jaquettePoussière de pellicule.
Pour prendre un vrai plaisir à regarder Danger : Diabolik, où l’on sent, c’est vrai, la patte du grand Mario Bava, il faut tout de même avoir le goût de l’archéologie cinématographique. Qu’est-ce que j’entends par là ? Moins l’intérêt pour les vieux films du passé, pour les vestiges quelquefois éclatants et dont les meilleurs sont unanimement appréciés, que l’attirance pour la façon dont le cinéma s’est constitué au cours des âges, sédimentant longuement de multiples couches dont l’exploration permet de comprendre (mais pas toujours d’apprécier) ce qui s’est passé ensuite. Danger : Diabolik, si original qu’il est, ne peut pas, à vrai dire, être placé sans avertissement sous d’autres yeux que ceux des amateurs de cette archéologie-là.

De nombreuses idées ingénieuses de Bava ont été ultérieurement utilisées par d’autres réalisateurs, ce qui est le sort habituel des initiateurs et le film donne une excellente idée de ce que fut l’époque ; l’affiche du film, violemment colorée, psychédélique, symbolise à elle toute seule la période. On y retrouve un écho des images de Guy Peellaert, le père de Pravda la survireuse et l’inspirateur des dessins du Jeu de massacre d’Alain Jessua, film d’un an antérieur.

r5EG4HxPlVnwAzy2nmGPPMOYQwvC’est aussi d’une bande dessinée (italienne, celle-ci, et davantage vouée aux bibliothèques de gare qu’aux librairies chics) qu’est issu Danger : Diabolik ; il est fort possible qu’on prenne un plaisir plus intense au film si l’on est déjà familier du personnage, aussi habile larron qu‘Arsène Lupin, mais tout aussi cruel que Fantômas, personnage mis en scène depuis 1962 par des dizaines et des dizaines d’histoires. Comme dans toute série de ce type, les protagonistes sont repris dans chaque épisode et continuellement confrontés (Ganimard et Herlock Sholmes contre Lupin, Juve et Fandor contre Fantômas, etc.) mais le malfaiteur parvient toujours à s’échapper, fût-il à un moment donné placé à la dernière extrémité du danger.

screen-shot-2013-06-24-at-9-00-47-pmOn ne demandera pas à Danger : Diabolik un autre scénario que celui d’une fantasmagorie où les poursuites, les évasions, les cambriolages, les meurtres sont monnaie courante ; cela étant, ça manque, me semble-t-il, un peu de cruauté, peut-être parce que (au contraire de Fantômas et, par exemple aussi de Rocambole), Diabolik (John-Philip Law) ne tue que s’il ne peut faire autrement.

Le couple qu’il forme avec Eva Kant (Marisa Mell) est intéressant par son attachement inconditionnel réciproque (davantage que celui de Fantômas et de Lady Beltham), mais les acteurs choisis par Bava sont d’une extrême mièvrerie. Michel Piccoli qui incarne l’ennemi juré, l’inspecteur Ginko, est tout sauf crédible et le gugusse Terry-Thomas en ministre de l’Intérieur fait peine à voir (mais c’est sans doute le rôle qui veut ça). De la distribution je n’apprécie guère, en chef de la Mafia, allié de circonstance de la police, qu’Adolfo Celi, toujours parfait que ce soit dans L’homme de Rio ou dans Mes chers amis.

danger-diabolikIl est très préférable de se satisfaire de la musique d’Ennio Morricone, des jeux de couleur rouges et verts (inspiration vraisemblable de Dario Argento plus tard) et des cadrages de Mario Bava qui a toujours su installer des atmosphères angoissantes. Mais n’a pas toujours filmé des scénarios à la mesure de ce talent.

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