Dans la maison

L’enchanteur pourrissant.

Il va de soi que François Ozon n’est pas un réalisateur dépourvu de toute ambition et que, au milieu des remugles boueux de films mis en scène par des kyrielles d’inconnus à qui les professionnels de la profession donnent leur chance, il poursuit un chemin un peu guindé et trop souvent prévisible, mais quelquefois intéressant…

Je crois bien que Dans la maison est le premier film que je voyais de lui depuis le déjà ancien Swimming pool.

J’ai regardé le film en grande partie pour Fabrice Luchini, immense interprète dont j’espère qu’un jour il trouvera un rôle et un réalisateur qui le fera entrer dans la grande théorie des acteurs inoubliables, alors que, jusqu’à présent, il n’a tourné que des films mineurs, qui seront sûrement oubliés dans trente ans. Ce qu’il ne mérite pas.

Dans la maison est loin, bien loin d’être un chef-d’œuvre, ou même un film majeur. Comme souvent chez Ozon c’est plein d’excellentes intentions mais ça ne passe pas le cap tout à fait. On regarde le film avec intérêt, avec beaucoup de plaisir, mais il manque pourtant une dimension un peu supérieure, qui ferait passer à un meilleur niveau.

Voilà que ça commence, en plus élégant et plus subtil, comme Le plus beau métier du monde de Gérard Lauzier, où la nullité crasse de l’Éducation nationale était moquée à la mesure de sa prétention : qu’un professeur de Lettres, sceptique, désenchanté, las des médiocrités qui accablent ses classes soit ravi, émerveillé, fasciné, captif d’un talent pur qu’il découvre par hasard, qu’il veuille le conduire à des chemins ailés en le choyant, l’encourageant, l’aidant de ses conseils ne serait qu’un plaidoyer élitiste et une acerbe dénonciation de l’entreprise de décérébration entreprise depuis une soixantaine d’années.

Mais ça ne s’arrête pas là : ça patauge un peu, aux deux tiers du film, dans une entreprise improbable et mélodramatique qui tutoie l’invraisemblance. Mais ça se réconcilie magnifiquement dans une scène ultime où les deux complices, le professeur démiurge et le garçon talentueux explorent en connivence absolue les chemins infinis de la création littéraire…

Il n’y a pas grand chose à dire de la façon de filmer d’Ozon, extrêmement passe-partout, sans qualité particulière, ni défaut remarquable. Mais on peut le féliciter de sa direction d’acteurs : Fabrice Luchini ne luchinise pas trop, pour ceux qui n’apprécient pas son jeu si caractéristique ; Kristin Scott Thomas, est parfaite, toute de mesure et d’intelligence ; Emmanuelle Seigner est très convenable. Et Ernst Umhauer, qui joue Claude, l’ange exterminateur, le lycéen infernal empli de dons et de maléfices est absolument remarquable.

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