Deux heures moins le quart avant Jésus Christ

Désespérant.

Le terrible, c’est qu’un film aussi stupide, navrant, minable, dégradant, outre de n’avoir pas manqué de moyens – costumes, figurants, décors – pour un résultat si piètre, soit de Jean Yanne. Acteur parmi les plus grands, souvent bouleversant (deux exemples : Le boucher et Nous ne vieillirons pas ensemble), ce qu’il a réalisé n’était pas du niveau de ce qu’il a interprété, de la même façon que ce qu’a commis Michel Audiard metteur en scène n’arrivait pas à la cheville de ses géniaux dialogues. Pourtant il me semble me souvenir que Tout le monde il est beau ou Moi y’en a vouloir des sous étaient dans beaucoup de séquences, d’une acidité chlorhydrique et que Yanne savait y manier une délicieuse souveraine grossièreté, bien venue dans les temps mous ; il est vrai qu’il était alors assisté par l’immense talent de Gérard Sire dont la disparition brutale en 1977 (à 50 ans) fut une immense perte pour l’esprit satirique français.

Il n’y a pas de grossièreté dans Deux heures moins le quart, il n’y a qu’une infinie vulgarité.

Au fait, je suppose qu’on peut ne pas connaître les propos définitifs d’Henri de Montherlant sur ce sujet, que j’ai pourtant souvent cités :

– Beaucoup de gens confondent grossièreté et vulgarité ; la grossièreté est puissance, la vulgarité c’est eux…
 »- C’est eux, c’est eux, facile à dire ! Donnez nous au moins un exemple de grossièreté et de vulgarité, faites-nous comprendre !
– Un exemple de vulgarité ? Eh bien confondre grossièreté et vulgarité…

Que l’immense Michel Serrault ait pu trouver plaisir à interpréter une lopette éthérée dans La cage aux folles (1978 au cinéma, mais 1973 au théâtre, avec Jean Poiret) est aisément compréhensible et ravageur ; qu’il se répète et se caricature en glapissant, couinant, piaillant dans le rôle de César est accablant ; on a honte d’ailleurs de voir des acteurs de qualité – comme Daniel Emilfork ou Philippe Clay – ou des trognes magnifiques – comme André Pousse ou Michel Constantin – se commettre, se prostituer dans ces horreurs. On n’est pas surpris, en revanche, d’y retrouver Paul Préboist ou Darry Cowl, utilités dépréciatives du cinéma du dernier demi siècle.

C’est plein de sous-entendus graveleux (de moins en moins sous, d’ailleurs), plein de faux anachronismes qui ne touchent pas leur cible, plein de péripéties accablantes, tirées à la ligne ; on s’ennuie ferme, on n’a pas même la satisfaction de voir de jolies filles déshabillées (comme auraient pu l’être Valérie Mairesse ou Mimi Coutelier). Où est passé Jean Yanne ?

Où est passé ce sceptique amer et iconoclaste qu’on aimerait entendre aujourd’hui brocarder les Vélib, les Végans, les féministes Gender, la piétonisation de Paris, l‘homo festivus et les Nuit debout ? Il n’y a rien de lui dans cette crotte minable.

 

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