Fanfan la tulipe

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Mais quelle déception !

Croyez-moi ou non, mais alors que j’ai ingurgité depuis cinquante-cinq ans un nombre assez considérable de films des années d’après-guerre, je n’avais jamais vu jusqu’à hier soir ce mythique Fanfan la Tulipe placé par la rumeur publique, la critique charmée et nombre d’amateurs au rang d’œuvre enchantée. Ça n’a pas dû bien se goupiller quand j’étais enfant, je devais être en train de courir la gueuse lorsque, à l’époque de mes vingt ans ça passait encore à la télévision et si, ça chantait suffisamment dans les mémoires pour qu’un tâcheron en fît un remake affligeant avec je ne sais plus qui, l’indifférence polie que je porte dans mes jours aimables (donc rares) à Gérard Philipe et l’aigre aversion que je lui voue dans mes jours acariâtres (donc nombreux) m’avaient retenu jusqu’alors.

A la faveur d’un bradage sur un site de discompte, j’ai acquis à petit prix le DVD ; j’ai naturellement ricané en constatant que le cher René Chateau, tant mégoteur lorsqu’il s’agit de doter ses éditions de suppléments intelligents, n’avait pas hésité à proposer le film en version noir et blanc d’origine, mais aussi dans la version colorisée (beurkkk !) et à joindre, fort curieusement ce qui n’est pas la bande-annonce, mais un extrait des lamentables Aventures de Till l’Espiègle, seule et unique (ouf !) réalisation de Gérard Philipe et un des plus beaux et des plus mérités bides de l’histoire du cinéma (je le placerais volontiers entre La grande bouffe et Out of Africa dans MA liste des films les plus méprisés dont je demande à cor et à cris la création, à côté de ma charmante liste immarscessible).

Bon. Voilà que je m’échauffe pour rien. 2007 commence seulement pourtant !

Donc, Fanfan la Tulipe.

Bof ! si l’on excepte la gorge pigeonnante – à quoi j’applaudis toujours – de Mme Lollobrigida, quelques traits d’esprit d’Henri Jeanson, mais qui s’essouffle vite, la grâce trop brièvement admirée de Geneviève Page à la voix grave si sublime, le cynisme revigorant de l’excellent Marcel Herrand (pour ceux qui ne situent pas bien, c’est le merveilleux Lacenaire des Enfants du Paradis), qu’est-ce qui reste ?

L’intrigue est d’une insigne faiblesse, Noël Roquevert fait des roqueverteries beaucoup moins réussies que la plupart du temps, la tonitruante Georgette Anys est tout à fait insignifiante (ce qui est un exploit), Christian-Jaque filme tout ça assez joliment, mais sans retrouver l’ironie de François 1er, la magie des Disparus de Saint-Agil, l’invraisemblance onirique de L’assassinat du Père Noel

Ah ! Et puis Gérard Philipe (annoncé comme du Théatre National Populaire – mâtin !) donne son numéro et prouve que vingt ans avant Belmondo un acteur pouvait faire le pitre avec talent et démontrer une éclatante forme physique…

Ce n’était donc que ça qui a tant fait rêver des jeunes filles ?

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Comparer Fanfan la tulipe et Barry Lyndon, les placer sur le même plan me semble aussi pertinent que de regarder avec la même sympathie admirative un abat-jour en macramé fabriqué lors des longues veillées d’hiver par le Club du Troisième Age de Raddon-et-Chappendu (Haute-Saône) et la Victoire de Samothrace (exposée au Musée du Louvre, à Paris – 1er arrondissement), mais après tout, chacun ses goûts…

Je supporte aussi quelquefois les propos gentiment et niaisement antimilitaristes (puisqu’il parait que Fanfan est un brûlot dangereux, analogue par sa force de conviction à Johnny got his gun), mais j’apprécie tout autant les oeuvres exaltant les vertus militaires, de La bandera à la 317ème section

Je ne suis pas, en matière de cinéma, ni de littérature, un individu moral

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