Fric-Frac

Irrésistible !

Fric-Frac est désormais là, dans une édition SNC-Les classiques français, assez bonne, malgré des tremblottis d’image et un son quelquefois nasillard, mais toujours audibles, et avec des suppléments honorables, sinon prodigieux d’intérêt…

Alors, qu’en dire, si ce n’est que ça ne déçoit en rien nos souvenirs, que c’est un festival d’acteurs, de mots d’esprit, de dialogues épatants, de situations drôles, et que c’est en plus un témoignage délicieux de l’insouciance d’avant-guerre, puisque ça date du printemps 1939 et qu’il faudrait être particulièrement esprit tordu pour trouver la moindre allusion aux quelques questions assez brûlantes, pourtant qui, au même moment, concernent l’Europe et le Monde ; finalement, après coup, on survalorise d’un regard rétrospectif la proximité des catastrophes et on imagine, parce qu’on sait soi-même la suite, que chacun avait les yeux fixés sur les échéances toutes proches ; comme disait Winston ChurchillLes prévisions sont particulièrement difficiles à faire, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir.

Tiré d’une pièce d’Edouard Bourdet, qui fut un fabuleux auteur de théâtre, et un peu plus qu’un boulevardier, le film ne souffre pas trop d’être du théâtre filmé, malgré le côté scènes à faire qu’on sent ici et là ; on y voit largement le talent de Claude Autant-Lara si on n’en sent pas encore l’intrinsèque noirceur ; film de commande, mené par Autant-Lara comme assistant d’un Maurice Lehmann, qui n’a pas laissé d’autre trace notable, mais où l’on sent déjà la patte et le rythme du grand réalisateur.

Il me semble inutile d’ajouter une milliardième glose sur le talent formidable de Michel Simon et de Fernandel (dont il est confirmé dans les suppléments qu’ils ne pouvaient pas se piffer) et sur la beauté gouailleuse d’Arletty ; alors deux mots sur deux seconds rôles ici très brillants : la rondeur salace de Marcel Vallée, qui joue le rôle de Mercandieu, le bijoutier cambriolable, est moins délicieusement exploitée que dans le Topaze de Marcel Pagnol, où il interprète l’immonde directeur de la pension Muche, mais il n’est pas mal du tout.

Un mot pour Hélène Robert, que je ne crois avoir jamais vue que dans Fric-Frac, dans le rôle de Renée Mercandieu, qui court après M. Marcel (Fernandel), en fille prête de coiffer Sainte-Catherine, et qui démontre in fine de la finesse, de l’obstination et une agréable rouerie de femme bien décidée à tout faire pour qu’on lui passe la bague au doigt ; je note que sa carrière s’interrompt lors de la guerre et qu’on ne la retrouve ensuite que dans deux réalisations allemandes ou autrichiennes, ce qui laisse supposer que, durant le conflit, elle avait eu quelque bonté pour l’envahisseur… (voilà un point de toute petite histoire qui n’est pas prêt d’être éclairci, je pense).

Charmant film que Fric-Frac, à qui ne manque qu’une dimension plus sarcastique pour aller plus haut…(un instant, lors du minable cambriolage de l’atelier de bijouterie, avec les cambrioleurs dépités devant leur propre nullité, j’ai songé au grandiose ratage du Pigeon ; non, tout de même, on en est loin…)

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