Gremlins

Les anges dans nos campagnes.

Dans la perspective de l’éducation cinématographique de ma petite-fille de 6 ans et demi, je me suis demandé si je ne pourrais pas lui passer, un jour prochain et pluvieux (si la pluie revient un jour !) l’histoire de la dévastation d’une petite ville des États-Unis par une bande hilare et hideuse de créatures nées de l’imprudence habituelle d’apprentis sorciers. C’est, bien entendu de Gremlins que je veux parler. Le film de Joe Dante date de 1994 et mes enfants n’étaient pas tellement vieux lorsqu’ils l’ont découvert.

 

 

Réflexion faite, après avoir revu la cavalcade sauvage des bestioles, je vais laisser passer encore quelques mois avant de plonger la jolie tête blonde dans ce gouffre poisseux, extrêmement bien fait et très rigolo, mais sûrement un peu trop inquiétant pour son âge tendre. Je sais bien que les enfants sont assez habitués aux aventures terrifiantes, que de Barbe bleue à  Blanche neige ils sont familiers de contes à faire frémir et qu’ils ne paraissent pas si traumatisés que ça par Peau d’âne ou Le petit chaperon rouge. Mais tout de même, la lacération d’un des Gremlins dans une centrifugeuse, l’implosion d’un autre dans un four à micro-ondes, la férocité ricanante de tous, leur agressivité reptilienne me paraissent être réservés à l’âge de raison. D’autant que la vision des carapaces chitineuses où ont infusé en chrysalides les petits monstres m’a trop fait songer à Alien pour que je demeure bien tranquille.

Évidemment la première demi-heure du film est tout à fait délicieuse. Ce grand benêt de Rand Peltzer (Hoyt Axton), inventeur catastrophique immature, sa charmante femme Lynn (Frances Lee McCain), qui lui est si fort attachée qu’elle s’efforce d’utiliser les gadgets calamiteux de son mari, le sympathique petit couple Billy (Zach Galligan) et Kate (Phoebe Cates), si semblable aux gentils teen-agers des années heureuses de l’Amérique, et même la méchante Mrs Deagle (Polly Holliday) qui m’a fait songer à la Cruella des 101 dalmatiens, tout cela promettait une gentille comédie pour enfants sages. Et l’irruption dans ce décor de petite ville mièvre et ripolinée du gentil mogwai Gizmo, sa voix cristalline, ses adorables mimiques, sa capacité à tout imiter avec talent, notamment Clark Gable, coureur automobile (dans Plaire à sa belle de Clarence Brown me souffle Wikipédia) va tout à fait en ce sens.

Mais l’inventivité des scénaristes et le talent du réalisateur vont graduellement transformer le rêve acidulé en cauchemar qui tutoie assez souvent l’horreur sans y basculer jamais tout à fait. Après tout dans l’abomination et la désolation qui ravagent la ville, il n’y a jamais que deux morts, le professeur de sciences Hanson (Glynn Turman) et l’affreuse harpie Deagle (qui aurait fait une belle publicité pour les monte-escaliers Stannah, dont la publicité pour vieillards passe six fois par après-midi à la télévision).

Les cinéphages que nous sommes peuvent s’amuser à relever, comme l’a fait Wikipédia (encore !) les emprunts, allusions et clins d’œil de Gremlins, fort nombreux et d’autant plus amusants à relever ; certaines des occurrences me semblent un peu tirées par les cheveux mais ingénieusement évoquées ; j’en ajouterai deux : lorsque le professeur Hanson prélève du sang sur le mogwai qu’il détient pour l’analyser, j’ai songé à La Malédiction II où un médecin découvre précisément que le sang de Damien Thorn est celui d’un chacal. Et puis, naturellement, la liquéfaction du chef des Gremlins, celui qui porte une touffe blanche, lorsqu’il reçoit l’éclat de la brutale lumière du jour est celle qui frappe notre vieil ami Dracula dans nombre des péripéties qui le mettent en scène.

La féerie de Noël peut reprendre dans la ville apaisée. God bless America.

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