La Soufrière

Monte là-dessus.

Deuxième volet d’un DVD composé de films documentaires réalisés par Werner Herzog, entre La grande extase du sculpteur sur bois Steiner en 1973 et Gasherbrum, la montagne lumineuse en 1984, La soufrière, en 1977 ne présente pas beaucoup d’intérêt. Le film-reportage relate et montre l’étrange situation survenue en Guadeloupe en 1976 lorsque le volcan qui est le point culminant de l’île et des Antilles menaça d’exploser, ce qu’il fait à intervalles réguliers, mais fort espacés (1530, 1797, 1956). On n’en était pas encore au dramatique et castrateur principe de précaution inscrit dans la Constitution par le funeste Chirac en 2005 (qui aurait à coup sûr interdit les Grandes découvertes du 16ème siècle) mais on a fait très attention, malgré les dissensions entre scientifiques opposés sur la réalité du danger (Claude Allègre le trouvant imminent, Haroun Tazieff le jugeant dérisoire). Les autorités ont fait donc procéder à une évacuation lente des habitants entre le 8 juillet et le 18 novembre 1976, déplaçant ainsi 75.000 personnes.

Ce coquin rebelle et amateur de danger de Werner Herzog apprend que quelques habitants ont décidé de rester dans leur habitat traditionnel, sur les pentes du volcan. Voilà qui le séduit et l’intrigue et le pousse, avec un cameraman et un preneur de son à aller voir dans la zone évacuée ce qui se passe. Après tout, en 1902, l’explosion de la Montagne pelée, dans l’île voisine de la Martinique avait tué à peu près 30.000 personnes, ne laissant qu’un seul survivant, un malandrin alors enfermé dans un cul de basse-fosse (comme quoi…).

 Et précisément il ne se passe rien alors que tout paraît inéluctable. Le sous-titre du film est, d’ailleurs, En attendant l’inévitable catastrophe. Arpentage des rues vides (et un peu dévastées par quelques pillards, comme d’habitude) de Basse-Terre, chef-lieu du département et centre d’une agglomération de près de 50.000 habitants ; de longues avenues à l’architecture médiocre, abandonnées par tous où errent seulement quelques bestioles domestiques, où les réfrigérateurs et les feux rouges fonctionnent mais où les hommes sont absolument absents ; voilà qui m’a fait penser à quelques plans terminaux du Dernier rivage film apocalyptique et moralisateur de Stanley Kramer en 1959 qui décrit l’Australie attendant terrifiée l’arrivée d’un nuage nucléaire qui a anéanti le reste du monde.

Herzog et ses deux acolytes tentent alors d’aller voir un peu plus près les bouches de l’enfer mais un nuage de vapeurs sulfureuses leur interdit toute progression ; ils constatent que l’éruption a chassé des hauteurs des masses de serpents qui, fuyant la chaleur, se sont noyés dans la mer. Reste à engager la conversation avec deux ou trois natifs qui, avec patience et résignation, attendent que les choses se passent, sans trop bien savoir s’ils veulent disparaître ou survivre dans ce qui sera, dit l’un d’eux, la volonté de Dieu.

Donnant raison à Haroun Tazieff, finalement, le volcan de la Soufrière n’a pas explosé. On en est bien content pour tout le monde, mais on se demande ce qu’un petit film qu’on dirait tourné avec des moyens amateurs vient faire dans la filmographie de Werner Herzog.

 

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