Le port des passions

Le goût du pétrole.

Ah, que c’est agréable de voir les bouseux ennemis du progrès humiliés jusqu’au tréfonds par les artisans de progrès ! Les mêmes bouseux qui, grâce à l’action intense, déterminée, courageuse des aventuriers du pétrole découvriront, niais et ridicules, que leurs crevettes dorées (dont ils cherchaient le gisement) s’ébattent précisément à la proximité du forage qui va apporter la prospérité à la petite bourgade endormie ! Ah oui, c’est bon de voir les billevesées écologistes aussi ridiculisées et reléguées aux rangs archaïques ! Presque aussi bon que de voir – enfin ! – nos gouvernements se diriger, sans gêne ni ridicule, vers la promotion de l’énergie nucléaire qui, grâce à la prochaine utilisation de la fusion nous assurera une énergie infinie et presque gratuite !

Ce n’est pas pour conforter mes certitudes que j’ai regardé Le port des passions, film qui m’est tombé sous la main, qui est une de ces productions répétitives qu’Hollywood dispensait à grandes enjambées aux beaux temps du plan Marshall et de l’esclavage idéologique étasunien. Esclavage qui a d’ailleurs repris aujourd’hui toute sa puissance après la trop brève parenthèse gaullienne (pompidolienne, mitterrandienne) et qui n’est pas près de disparaître.

Je sais bien qu’on pourra me dire qu’il est bien navrant – en apparence – que les habitants de la petite baie de Morgan city, en Louisiane, voient leur vie quotidienne bouleversée par ce qui est simplement le progrès. N’empêche que si des aventuriers courageux auront pu aller cueillir au fond des mers l’énergie pétrolière, les pêcheurs pourront aussi récolter des crevettes magnifiques que, jusqu’alors, ils n’avaient pas repérées.

Bon ; je m’exalte un peu à propos d’un film assez médiocre, finalement, où Steve Martin (James Stewart), ingénieur ingénieux qui essaye depuis des années de faire financer son invention – une plateforme d’extraction capable de résister aux plus fortes tempêtes – parvient, au lendemain de la guerre, de capter l’intérêt de Kermit MacDonald (Jay C. Flippen), homme d’affaires lui-même un peu chtarbé, en tout cas décidé à donner sa confiance à un rêveur de sa même substance.

Il n’y a guère que ça d’intéressant dans Le port des passions ; les aventures amoureuses adventices sont d’une grande prévisibilité et d’un intérêt insignifiant. Ce sont celles de Steve et de Stella Rigaud (Joanne Dru) et de Johnny Gambi (Dan Duryea), le meilleur ami rageur de Steve et de Francesca (Marcia Henderson), la sœur de Stella. Rien d’intéressant non plus dans l’animosité des autochtones qui voient avec méfiance la prospection pétrolière s’installer. Parce qu’à ce moment là on voit avec ennui la grande machine hollywoodienne s’installer et moudre son froment.

Ce n’est pas désagréable, mais c’est tellement prévisible qu’on est amené à attendre la fin. Qui survient, à la satisfaction générale, au bout d’une heure quarante.

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