Le voyage de Chihiro

Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages…

Comment noter un film – et un univers ! – qui vous sont radicalement étrangers, à tous les sens du terme ? C’est exactement comme si on me demandait de classer dans un palmarès des setters irlandais (ou des géants des Flandres, qui sont une variété d’énormes lapins de concours). Non seulement je n’y connais rien, mais en plus ça ne m’intéresse pas et faire l’immense effort de m’initier à tous les codes indispensables pour profiter du plaisir de connaître son affaire dépasse de loin mes capacités et surtout mes envies. Alors je place une note médiane qui ne repose pas sur grand chose, finalement.

J’ai regardé Le voyage de Chihiro sur l’affectueuse injonction de quelqu’un qui m’est cher ; peut-être le fait de transformer en devoir ce qui devrait n’être qu’un plaisir – celui de regarder un film qu’on a choisi – a-t-il un peu gâté mon jugement, l’a-t-il un peu orienté, mais ce n’est sans doute qu’à la marge. C’est un fait : le Japon m’est glaçant – au pire – ou indifférent – au mieux -, les dessins animés japonais semblent être au degré zéro de l’animation à qui a été baigné, dans son jeune âge par les somptuosités de Blanche neige, Cendrillon, La belle au bois dormant et je trouve que consacrer deux heures à une histoire aussi biscornue et insignifiante est bien exagéré.

Il faut mettre au crédit de Hayao Miyazaki une inventivité visuelle assez bluffante et le talent de composer, ici et là, des images superbes, pleines de grâce, de délicatesse, de poésie. Des tas de séquences sont charmantes, d’autres bien inquiétantes et troubles. Contrairement aux films de Walt Disney de la bonne époque, qui sont souvent très guindés, il y a de la férocité, de l’outrance, de la cruauté gratuite. Mais ça ne me suffit pas.

Je n’ai pas compris grand chose au film. Voilà qui n’est pas très grave, d’autant que les gloses qui ont fleuri ici et là et notamment les considérables développements lus sur Wikipédia ont éclairé ma lanterne. Et puis de toute façon il me semble qu’on n’a pas à attendre de ce genre de cinéma un récit bien structuré. Il est vrai qu’écrivant cela, je me trompe peut-être complétement ; j’apprends ainsi avec stupéfaction que l’esprit putride qui se présente à un moment donné pour être baigné et nettoyé est davantage qu’une boule dégoutante de merde, comme je le croyais, mais aussi le symbole vivant d’une rivière polluée. Diable ! Voilà ce que je n’avais pas du tout perçu ! je n’avais vu là qu’une concession assez répugnante à la fascination éprouvée par des générations de galopins aux horreurs scatologiques (le caca-boudin en action, en quelque sorte).

Gagné par l’ennui, j’ai essayé de retrouver des références cinématographiques dans ce concert d’images étrangères… Pourquoi pas ? Des têtes coupées vertes qui sont les compagnes de la sorcière Yubaba, je me réfère à l’homme-tronc (bien réel, celui-là !) de Freaks ; les architectures compliquées où évolue Chihiro m’ont fait songer à La cité des enfants perdus de Caro et Jeunet), la physionomie du Sans visage aux personnages masqués de Eyes wide shut. Et ici et là, des réminiscences d’Alice au pays des merveilles

Le château dans le ciel, vu il y a quelques mois m’avait en tout cas paru plus cohérent, finalement plus conforme à l’idée que je me fais d’un dessin animé. Mais il se peut que je me trompe du tout au tout…

Leave a Reply