L’imposteur

limposteur-1944

Replaçons nous dans le contexte…

Ah, que c’est bon, un vrai film de propagande et d’illustration des vertus, lorsque la cause le mérite ! Tout au long de ce film de 1943, réalisé aux Etats-Unis, j’ai vibré de ferveur patriotique, en vieux gaulliste inconsolable, et j’ai trouvé ça très beau, très noble, très bien.

La France, en 1943, il faut bien reconnaître que ce n’est plus grand chose, à part une voix qui parle aux Français depuis Londres et quelques héros unis par le serment de Koufra du 1er mars 1941, proposé par celui qui n’est encore que le colonel Leclerc de Hautecloque : Je jure de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg.

L’immense mérite du film de Duvivier, c’est de nous présenter un aspect de la Guerre bien moins souvent porté à l’écran que les exploits divers de la Résistance intérieure, magnifiés par La bataille du rail, Le père tranquille ou l’insurpassable Armée des ombres. Il y a bien, mais dans le registre audiardien, et malgré sa fin tragique, Un taxi pour Tobrouk, mais si réussi qu’il est, ce Taxi-là, très axé sur des aventures individuelles, prend peu en compte l’aventure collective.

On m’objectera que L’imposteur fait précisément la part belle à l’anecdote, à travers l’histoire d’un condamné à mort qui, à la suite de deux opportuns bombardements, récupère l’identité d’un soldat qui s’est magnifiquement battu lors de la campagne de France et, presque malgré lui, devient lui aussi un héros. On m’objectera cela avec d’autant plus de pertinence que celui qui est devenu, à son corps défendant, Maurice Lafarge (Jean Gabin) va trouver une mort glorieuse en se sacrifiant pour assurer à ses camarades le gain d’une position ennemie dans le Fezzan.

Certes, mais ça, qui est l’écume des choses, n’est pas le plus intéressant, même si c’est, comme toujours chez Duvivier diablement efficace ; le plus intéressant, c’est la destinée de ces soldats de fortune, l’un employé de banque à Lyon, l’autre acteur de seconde zone à Paris, un autre paysan normand, qui refusent la défaite et, en juin 40, s’embarquent pour l’Afrique afin de continuer le combat.

Hagiographie dépassée, ricaneront ceux qui n’imaginent pas une seule seconde que tous les Français n’aient pas été trafiquants de marché noir, dénonciateurs de Juifs, ou collabos hystériques… Et pourtant, qu’on le veuille ou non, la 2ème DB a été constituée de ces patriotes-là, ainsi que de nombreux coloniaux et de Pieds noirs

Revenons au cinéma (je m’exalte, je m’exalte, je sais !) : Duvivier sait filmer et sait raconter une histoire, nous le savons bien : technique impeccable, belle photographie, décors réussis (sauf les premières images, dans la prison de Tours où Clément/Maurice Lafarge va être guillotiné) ; mais enfin, c’est un film tourné loin de la France et à part le réalisateur et l’acteur principal (à qui on peut ajouter Peter van Eyck qui fit ensuite une belle carrière française), toutes les physionomies sont inconnues : on sent que c’est un film d’exil… et on sent cela dès le générique, sur une musique dont on sent immédiatement, avant d’en connaître l’auteur (et c’est Dimitri Tiomkin !) que ce n’est pas un des compositeurs habituels du cinéma français…

Assez curieusement, on n’entend la vraie voix de Gabin que dans la version en anglais sous-titrée : Gabin – dont on ne dira jamais assez qu’il a fait une très belle, très courageuse Guerre – s’était engagé lors de la post-synchronisation en français et il est doublé par… Robert Dalban, ce qui est assez drôle ; comme sont drôles – si l’on peut dire – les deux discours majeurs de juin 40 – celui du 17 juin du Maréchal Pétain : C’est le cœur serré que je vous dis qu’il faut cesser le combat et celui du 18 juin du Général de Gaulle – qui sont diffusés en langue anglaise et sous-titrés…

L’imposteur n’est ni Pépé le Moko, ni La belle équipe, ni La fin du jour, ni tant d’autres chefs-d’œuvre, mais il serait absurde de ne lui allouer que la médaille du mérite d’un beau combat : c’est un bon film, passionnant, bien interprété, vigoureux, intelligent. Un Duvivier de qualité, si tant est que ces termes ne soient pas pléonastiques..

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