Melancholia

artoff4944Sidérant.

La polémique déclenchée par quelques absurdes et provocants propos de Lars von Trier au Festival de Cannes n’a pas beaucoup de rapports, il me semble, avec la perfection formelle, la beauté lourde et la qualité hypnotique, à mes yeux absolument fascinante, de Melancholia vu cette après-midi dans une salle vide, film qui me laisse à la fois perplexe et enthousiaste.

Perfection formelle, assurément ; depuis Barry Lyndon je n’ai pas vu beaucoup de films dont les images sont aussi magnifiquement composées, dans une sorte de perfection esthétique impitoyable (je veux dire par là qu’elles n’induisent à aucune empathie ni vis-à-vis des lieux, ni vis-à-vis des personnages). Je me souviendrai longtemps de la cavalcade des deux sœurs, Justine (Kirsten Dunst) et Claire (Charlotte Gainsbourg), au matin des noces saccagées par la névrose apparente de Justine, dans les nappes d’un brouillard qui se disperse, filmée en longue plongée aérienne, d’une grâce et d’une tristesse infinies.

Beauté lourde, parce que tout le film est tourné sous le signe de malaises grandissants, de plus en plus oppressants, qui commencent par la catastrophe d’une réception de mariage qui, en saccades, tourne au désastre. Grand art de Lars von Trier qui place de petites touches obstinées et désespérantes pour faire entrer le spectateur dans la folie ordinaire de Justine, de sa mère (glaçante et parfaite, comme de coutume, Charlotte Rampling), dans la légèreté égoïste de son père (John Hurt), la veulerie de son patron (Stellan Skarsgård) et l’insignifiance absolue de son mari (Alexander Skarsgård).

Et à la fin de cette première partie, on est durablement installé dans une sorte d’anxiété, on est revenu, plutôt, aux images inquiétantes du prologue, dont on ne saisira vraiment le sens qu’au bout du film, lorsque la catastrophe inéluctable sera survenue et aura donné sens au cheval foudroyé, au tableau de Brueghel brûlé, à Justine-Ophélie flottant comme un grand lys, ainsi que dans le tableau célèbre de John Millais (que Justine, d’ailleurs, met en valeur dans la bibliothèque).

Qualité hypnotique, parce que la seconde partie est une sorte de huis-clos de plus en plus resserré, dont ont disparu, bien sûr, tous les protagonistes du mariage raté, mais aussi, au fur et à mesure, les personnages de second plan, le majordome du domaine (Jesper Christensen), puis John (Kiefer Sutherland), le mari de Claire, le personnage positif, rationnel, d’apparence équilibré, huis-clos où ne subsistent plus que Justine, Claire et le petit Léo (Cameron Spurr), le fils de Claire et de John, alors que se rapproche, dans un ciel magnifique, la planète Mélancholia, indifférente et fatidique, qui va anéantir la Terre en croisant son orbite.

Et aux moments derniers, alors que Claire perd peu à peu le contrôle d’elle-même et tente dérisoirement de fuir le cataclysme, c’est bien Justine qui apporte la sérénité, la résignation, l’apaisement car, depuis longtemps, depuis toujours, elle sait bien que c’est ainsi que tout devait se terminer.

Les quelques mots que je viens d’écrire paraîtront bien obscurs, bien abscons, même, à qui n’a pas vu le film, j’en suis conscient. Mais en conter les méandres avec plus de précision dans le récit ne servirait à rien, tant le film de Lars von Trier est homogène, intelligent, fascinant.

2 Responses to “Melancholia”

  1. […] fil de mes recherches, j’ai finalement trouvé que cette photo du film Melancholia avait pour référence le personnage d’Ophélie de la pièce de théâtre Hamlet de William Shakespeare (1598-1601). […]

  2. impetueux dit :

    Le long propos que vous avez déposé sur votre site est, en tout cas, fort intéressant…

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