Mireille

Tutu panpan, aïoli, farandole…

Même si, selon mon vieux maître Charles Maurrasaucune origine n’est belle, je n’ai aucune prévention contre toutes les formes d’archéologie. Et donc pas d’avantage pour celles qui s’appliquent aux films et qui permettent de présenter aujourd’hui des œuvres anciennes – et souvent des ébauches – absolument dénuées d’intérêt intrinsèque mais qui peuvent quelquefois amuser les esprits curieux. C’est bien ce qui pourrait être le cas de Mireille tourné en 1932 par René Gaveau (plus connu pour être un honnête directeur de la photo) et Ernest Servaes. Sur la mince trame du poème provençal de Frédéric Mistral, voilà que les réalisateurs plaquent les airs célèbres de l’opéra tiré du poème par Charles Gounod, engagent des acteurs amateurs et intercalent entre les péripéties de belles vues des paysages de la Crau et de la Camargue.

Est-ce que c’est suffisant ? Sûrement pas ! Ce mélange de poésie lyrique et d’opéra – deux genres par essence totalement artificiels – ne peut pas vraiment fonctionner sous cette forme mélodramatique : l’histoire d’amour entre Mireille (Mireille Lurie), riche héritière d’un vaste mas provençal et Vincent (Jean Brunil), misérable vannier d’osier ne peut qu’aller sans surprise vers la catastrophe et le drame surtout lorsqu’elle est pourchassée par Ourrias (Joë Hamman), riche bouvier de la Camargue toute proche. On connaît d’ailleurs bien le sort de Mireille, frappée d’insolation sur la route des Saintes-Marie de la mer où elle est partie implorer la clémence divine. On songe, en la voyant se trainer sur la route au même chemin que prendra Cécile Aubry dans la Manon de Clouzot.

Ce mélodrame larmoyant n’est pas dépourvu de qualités, mais sa transposition à l’écran souffre d’une absence de rythme dramatique ; ce n’est pas mal filmé, loin de là et les chants issus de l’opéra qui jaillissent ici et là sont assez joliment mis en scène (notamment l’air des Magnanarelles, ces ouvrières qui cueillaient les feuilles de mûriers qui nourrissaient les vers à soie) ; mais c’est atrocement mal interprété : les acteurs sont des potiches qu’on croirait recrutées dans des troupes de théâtre d’amateurs (ce qui doit être le cas, d’ailleurs).

Que l’on conserve ce genre de films dans des rayonnages universitaires où de savants doctorants viendront en nourrir leurs thèses, on le conçoit. Qu’on les édite, c’est autre chose…

 

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