Pécheur d’Islande

Vent d’Ouest.

Qui se souvient aujourd’hui des romans de Pierre Loti, qui figuraient jadis dans toutes les bibliothèques des enfants sages, qui y puisaient leur content d’aventures et d’exotisme ? Quatre adaptations de Ramuntcho, sur les contrebandiers basques (dont une de Pierre Schœndœrffer, d’ailleurs), et autant de Pécheur d’Islande, deux opéras et un ballet pour Madame Chrysanthème ; et désormais plus rien. Ce qui est bien dommage.

Pierre Schœndœrffer adapte en 1959 Pécheur d’Islande et en fait un récit contemporain ; mes souvenirs du roman sont bien trop anciens pour que je puisse m’en indigner ou m’en féliciter ; situé dans un Concarneau assez pittoresque, l’intrigue est menée avec fluidité et les images de la Bretagne pluvieuse et des flots houleux sont toujours aussi séduisantes. Il n’y a rien de bien touristique là-dedans, ce qui, aujourd’hui, serait placé au premier plan : non : le générique du film s’ouvre sur des carcasses de bateaux abandonnées dans de vrais cimetières, la vie est rude, les coiffes bigouden amidonnées comme il sied, les mâchoires des marins viriles et marmoréennes, les rapports entre hommes solides et corrects. On boit du gwin ru, on subit les paquets de mer dont les cirés et suroîts ne protègent qu’imparfaitement, on revient au port épuisé mais prêt à repartir vers la mer grise.

L’histoire sentimentale est d’une grande niaiserie, mais, du fait du caractère presque ethnographique du film on ne lui en tiendrait pas rigueur si le personnage principal, le fier pécheur Yann n’était interprété par Jean-Claude Pascal dont le jeu catastrophique fait frémir. L’œil aussi délicatement ourlé de rimmel que dans Angélique et le sultan (où il interprète l’eunuque qui aide Angélique à se tirer des griffes de son maître), il donne d’un rude patron de chalutier une image à peu près aussi convaincante que le serait Alfred Hitchcock dans Le bal des sirènes. Il avait déjà dû comprendre que, malgré son beau physique, le cinéma n’était pas son truc et il allait entamer une très convenable carrière dans la chanson ; s’il subsiste, ce sera grâce à un petit bijou comme Soirée de prince

Charles Vanel en armateur grognon et à cœur d’or fait du Vanel dans le texte. Juliette Mayniel est bien jolie, mais à la voir on ne s’étonne pas de la médiocrité de sa carrière ultérieure. Le reste du paysage est vide. Mais il y a quelques beaux plans des flots et de la houle filmés par le grand Raoul Coutard ; ne vous attendez pas à voir d’aussi grandes merveilles que celles du Crabe-tambour et du Jaurreguiberry fendant la mer grise des confins d’Arctique. Mais il y a quelques trucs pas mal. Pas mal seulement…

Leave a Reply