Police

Pialat hors de lui.

Je suppose que Maurice Pialat, assez grisé par le succès critique et même un peu public de Loulou et de À nos amours, bénéficiant de ce fait de la confiance des producteurs, a voulu alors se mesurer à une des figures imposées de la réussite cinématographique, le genre policier, qui, habituellement fait affluer le spectateur dans les salles. Police est issu de cette ambition, mais je trouve que, si estimable soit la copie, elle est un peu inférieure aux sujets vraiment graves et atypiques sur quoi la renommée du cinéaste s’est établie.

 Catherine Breillat, qui fut la scénariste de Police et qui eut un conflit grave avec Pialat à l’issue du film explique, dans le supplément du DVD, assez clairement les choses et détaille la raison des imbrications entre le reportage presque documentaire sur la vie quotidienne d’une Brigade territoriale de la Police judiciaire parisienne et les tortueuses ramifications amoureuses de la vie du personnage principal, Mangin (Gérard Depardieu).

La première orientation est très réussie, même si, depuis Police, on a vu cent et mille fois des reportages très documentés sur ce sujet qui passionne les spectateurs (revoir le presque homonyme Polisse de Maïwenn, sur la Brigade des mineurs). Mais c’est très bien fait, nerveux, violent, brouillé, comme doit l’être l’atmosphère exaspérante, fatiguée, chaque jour renouvelée et chaque jour identique de ces éboueurs de nos sociétés qui, tels Sisyphe, repoussent chaque jour un rocher qui ne cesse de retomber (et qui retombe d’ailleurs de plus en plus vite et de plus en plus méchamment aujourd’hui qu’il y a trente ans).
Voilà le film d’hommes que, selon Catherine Breillat voulait réaliser Maurice Pialat : quelque chose de maigre, de dur, d’osseux. Mais à quoi s’est lié une sorte de litanie féminine qui est tout, sauf convaincante, malgré le talent de celles qui croisent la route de Mangin. Passe encore pour la pute sans espoir et sans regret, Lydie (Sandrine Bonnaire), qu’on pourrait tout aussi bien retrouver dans un film de Jean-Pierre Melville ; mais la carabistouille avec la jeune commissaire stagiaire Marie Vedret (Pascale Rocard) est totalement hors de propos et la romance avec la jolie fille Noria (Sophie Marceau) qui est comme une tour fermée et que rien ne peut entamer, indifférente à tout, sans épaisseur ni intérêt patauge dans l’insignifiance.

Que l’intrigue soit chaotique, parte dans plusieurs sens, que l’image soit salie, bleuâtre, dépourvue de toute chaleur, que le son soit brouillé, quelquefois presque inaudible – comme le sont les conversations qu’au hasard on perçoit en marchant dans la rue – n’est nullement un reproche ; les acteurs sont magnifiques, Depardieu grand bonhomme capable de tout faire passer en un regard ou en un geste, les filles parmi les meilleures comédiennes du cinéma actuel ; et les deuxièmes ou troisièmes rôles (Richard Anconina ou Jacques Mathou) sont impeccables. Mais je ne suis pas absolument persuadé que le film dit de genre soit une des meilleures cordes du violoncelle de Maurice Pialat.

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