Seven

Am stram gram, pic et pic et colegram.

Rien n’effraie davantage l’imaginaire que le tueur en série parce que si, pour les faire tenir sages, on peut raconter aux petits enfants des histoires de loups-garous, on sait bien qu’existent au delà des fariboles, la réalité des crimes à haute échelle. Songeons à Gilles de Rais, ancien compagnon de Jeanne d’Arc, à la comtesse sanglante Erszebeth Bathory, à Jack l’éventreur, qu’on vient enfin d’identifier formellement. Et à la multitude de récits proposés à l’écran, depuis M le maudit de Fritz Lang. On peinerait sans doute à dresser une typologie de cette forme industrielle cinématographique d’assassinats.Me revient en tête l’histoire d’un tueur baroque, L’abominable docteur Phibes de Robert Fuest où le héros (Vincent Price), pour venger sa femme morte lors d’une opération, se venge des chirurgiens incompétents en faisant pleuvoir les dix plaies d’Égypte (Exode 7-12). En s’appuyant sur l’enseignement de Saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique, qui systématisa l’enseignement traditionnel des Pères de l’Église, Seven utilise les Sept péchés capitaux. Et cela avec une redoutable habileté.

Je n’ai pas le souvenir de beaucoup de films de ce genre où le scénario soit aussi bien construit, où les péripéties s’emboîtent avec autant d’aisance, ne laissant pas beaucoup de respiration en deux heures où l’on est à tout moment sur le qui-vive.

Après coup, bien sûr, on repense aux procédés employés par David Fincher, qui sont éprouvés, efficaces, parfois un peu faciles. Ainsi la disparité des vies et des caractères des deux policiers lancés à la recherche du tueur, William Somerset (Morgan Freeman), vieux matou noir célibataire et lettré qui s’apprête à partir à la retraite et David Mills (Brad Pitt), jeune bouillant inspecteur qui vient remplacer l’ancien, heureux époux de la charmante Tracy (Gwyneth Paltrow) ; vieux contraste qui est si éculé qu’on s’étonnerait presque qu’il fonctionne aussi bien.

Puis l’atmosphère glauque, puante, crasseuse, malsaine de tout le film. Lumière cassée, terreuse, lourde pluie presque continuelle (à l’exception volontaire de la dernière séquence dans un coin de désert pelé), friches puantes, appartements encombrés, salis, corridors sombres, rues désolées, bureaux minables des flics. Il n’y a que très peu de scènes qui montrent la vie normale, des scènes habituelles, des gens comme vous et moi. Voici qui crée la tension et la maintient, même si on n’est pas tout à fait dupe.

Et enfin l’invraisemblable marqueterie des actions, réactions, interactions du tueur, Kevin Spacey, appelé John Doe, ce qui serait, en français, Untel ou Tartempion et des deux policiers. Tout se joue et s’imbrique à merveille, avec une finesse et une justesse qu’on ne peut imaginer dans la réalité. Mais c’est aussi pour ça, qu’on aime le cinéma et les romans d’aventure, l’arrivée inopinée et bienvenue de la Cavalerie qui défait les Peaux-Rouges, les larmes opportunes qui humidifient assez les prunelles de Michel Strogoff et lui permettent de ne pas perdre la vue sous le sabre chauffé à blanc du traître Ivan Ogareff !

Une fois qu’on a admis tout ceci, que David Fincher présente avec un grand talent, on est ravi. C’était donc son deuxième film et ça montrait en tout cas un beau talent de raconteur d’histoires. Davantage, je ne crois pas, mais c’est déjà très bien de ne pas s’ennuyer devant un film au propos un peu convenu.

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