Victoria

Si j’avais compris quelque chose…

Oui, si j’avais compris quelque chose, j’aurais certainement haussé Victoria au meilleur rang des agréables comédies contemporaines où les problèmes insolubles entraînés par la dissociation des couples, les stress professionnels, les incertitudes des amitiés sont mis au devant de la scène. Partis comme nous sommes, nous n’aurons d’ailleurs bientôt plus le choix qu’entre les films de cet ordre, représentant les urbains premiers de cordée macroniens et ceux qui décrivent la réalité de la France périphérique, les travailleurs pauvres lepénistes. Après tout pourquoi pas ? On ne peut demander à tous les cinéastes d’avoir du génie et de transcender les catégorisations sociales et politiques de leur époque. Donc limitons nous à notre bel (?) aujourd’hui.

Victoria n’existe que grâce à la délicieuse, lumineuse, ravissante Virginie Efira ; sans elle non seulement le spectateur perdrait le plaisir de son charme et de sa séduction, mais le film n’aurait plus de raison d’être tant l’actrice correspond absolument à son personnage, tant on peut penser et croire que le rôle a été écrit pour elle, dans la perspective qu’elle le jouerait. Elle interprète Victoria Spick, jeune avocate dotée de deux charmantes petites filles et séparée du père des enfants, David (Laurent Poitrenaux), une femme qui ne sait pas trop comment elle doit vivre. Tout lui paraît être obligation, de son métier, qu’elle exerce consciencieusement mais sans flamme ni génie, à sa sexualité qui paraît lui être davantage une nécessité sociétale qu’une occasion de plaisir. Tout est fait parce que tout doit être fait dans un monde sans originalité ni autonomie : on pète les plombs lors des soirées alcoolisées, on baise parce qu’il faut bien baiser (sinon on sera mal à l’aise lorsqu’on lira le prochain numéro de Marie-Claire), on se débat dans des situations qui sont presque guerrières sans trop savoir comment on s’en sortira.

Là encore et comme souvent, pourquoi pas ? Mais il me semble qu’il faut, lorsque l’on raconte une époque et un mode de vie, guider le spectateur et ne pas trop lui lancer à la tête des séquences disparates, dont la cohérence n’est, si je puis dire pas le fort.

Victoria manque cruellement de l’intelligence d’un scénario ; on ne comprend pas ce qui s’y passe. Ne nous méprenons pas : l’histoire est contée avec légèreté et on en perçoit bien les péripéties. Mais un scénario, c’est bien davantage, c’est quelque chose qui vous prend, vous séduit, vous emballe et ne vous lâche plus.

Justine Triet accumule les scènes et beaucoup d’entre elles sont réussies, certes ; mais bien peu sont liées et s’enchaînent souplement les unes avec les autres pour construire la réalité. On a d’ailleurs l’impression que la réalisatrice – également scénariste – a eu bien du mal, après avoir créé un personnage intéressant (celui de Virginie Efira donc) à lui trouver un cheminement ; une fois posé le rôle de Samuel (Vincent Lacoste), baby sitter grognon qui s’accroche à la jeune femme comme une arapède à son rocher, on ahane sans agrément à trouver une issue. D’où les bizarreries manifestement bricolées qui font intervenir un dalmatien et une guenon lors d’un procès d’assises.

Déceler dans les visages contemporains quelques mines d’or est une bonne chose et tenter de reproduire le cheminement de l’époque est honorable. Mais enfin, ça ne suffit pas. Jean Gabin, qui n’est pas une mauvaise référence, le disait toujours : un film, c’est d’abord une bonne histoire, puis une bonne histoire et encore une bonne histoire…

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