Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Un homme et son péché

mardi, décembre 26th, 2023

Banalité du vivant.

Je ne vois pas beaucoup d’intérêt, sauf exception rare, d’aller s’ébaubir de films indiens, ou chinois, ou japonais (ou papous) pour s’émerveiller de leur exotisme : il suffit de regarder beaucoup plus près de soi pour trouver un exotisme bien davantage proche de nous, donc bien plus compréhensible et nourri de nos propres références culturelles : le Québec de la fin des années Quarante, lorsque la Belle province commençait à lutter pour préserver sa magnifique identité. Cela étant, on ne peut pas se dissimuler que l’accent québécois, quand il est porté à cette sorte d’incandescence, peut presque représenter à nos méninges la même difficulté d’empathie que les singularités asiatiques et leurs bizarreries. (suite…)

La reine de Broadway

samedi, décembre 23rd, 2023

De la grande série.

Le film de Charles Vidor a connu, paraît-il, un immense succès critique et public. Il est vrai qu’il est sorti quelques mois avant la fin de la Guerre, au moment où tout le monde avait envie que le cauchemar soit terminé, d’oublier les horreurs du conflit, la crainte de voir disparaître mari, frère, parent, ami et l’espérance qu’on revienne à la tranquille situation d’auparavant. Certes, certes, on ne voit pas très bien comment on parviendrait à arranger les choses. Mais il est bien certain que les potentats de l’argent n’ont jamais eu qu’une crainte : celle que les braves gens comprennent qu’il n’y a absolument rien à faire devant l’horreur et que, après tout, il vaut mieux orienter les regards vers les fariboles du show-business. (suite…)

Les bonnes femmes

dimanche, décembre 17th, 2023

Chabrol au vinaigre.

À sa sortie, en 1960, le film a été interdit aux moins de 18 ans. Mes 13 ans de l’époque ne l’ont évidemment pas vu. Y serais-je parvenu, en aurais-je été choqué ? Je n’en suis pas certain : ce qui pouvait, à cette époque, me troubler c’était plutôt la nudité et, dans Les bonnes femmes il n’y en a pas du tout, à l’exception d’une brève séance de strip-tease ou la danseuse prend d’ailleurs soigneusement soin de dissimuler ses seins par ses bras. Mais je n’aurais pas fait trop attention au regard porté par Claude Chabrol sur la terrifiante médiocrité de tous ses personnages et principalement sur les quatre midinettes employées dans un magasin d’électro-ménager du boulevard Beaumarchais dont il dresse la chronique. Tous des cons et des minables, mais ce sont plutôt les filles qui ont la vedette. Voilà qui justifiait l’interdiction. (suite…)

La pianiste

jeudi, décembre 14th, 2023

Dans une cave noire et gluante.

Ah oui, Michael Haneke est sûrement aujourd’hui un des plus impressionnants réalisateurs du monde. De ce que j’ai vu de lui, il n’y a pas quoi que ce soit de médiocre. Il n’y a pas non plus quoi que ce soit d’apaisant, de tendre, de confortable. Un cinéaste tendu, fermé, bouclé qui envoie dans la figure de chacun la brutalité, la dureté, la cruauté, l’absurdité des destinées. Violence extrême des comportements, des existences, des personnages. Un monde qui ne tourne pas bien ; ou plutôt, peut-être, le monde tel qu’il est, dans son absence de sens, de générosité, d’ouverture. Dans un univers de haine obsessionnelle de soi, dans le ressentiment – presque fastidieux, pourrait-on dire – d’être venu au monde et d’affronter les méchancetés de la vie. (suite…)

En attendant Bojangles

lundi, décembre 11th, 2023

La vie, mode d’emploi.

1 ? Pourquoi pas 0, plutôt et, si on le pouvait une note bien en dessous de 0… Le titre m’intriguait, le film était disponible sur la plate-forme de France Télévisions et les énigmatiques propos de Jipi me décontenançaient. Et puis 1 parce qu’il y a le charme évident (et la grande beauté plastique) de Virginie Efira et le talent réel de Romain Duris. Mais sinon ! Qu’est-ce que c’est que cet épouvantable caramel mou, dégueulis de chantilly, pleurnichard et imbécile ? Un film qui fait mine de commencer comme le nullissime Fanfan d’Alexandre Jardinqui, nous rappelle notre amie Wiki raconte l’histoire d’un type qui veut perpétuer avec elle (Fanfan – Sophie Marceau) – les griseries des préludes, le bonheur de ces instants où l’amour n’est encore qu’une promesse. (suite…)

Le diable par la queue

vendredi, décembre 8th, 2023

« Je suis amoureuse, mais je ne sais pas de qui… »

Au fait, si vous recherchez un peu la signification et l’origine de l’expression Le diable par la queue, vous pouvez tomber sur celle ci-après, qui me semble correspondre assez bien au tour, à l’esprit et au déroulement du récit du film… Car qu’est-ce que ça peut pouvoir dire, Le diable par la queue au-delà du simple être dans le plus complet dénuement ? Eh bien, si l’on va un peu plus loin, on trouve que celui qui tire la queue du diable est quelque miséreux qui aurait recours au Malin afin que ce dernier exauce ses faveurs et qui refuserait de lui lâcher la queue tant qu’il n’aurait pas répondu à ses demandes. Et comme Philippe de Broca, le réalisateur, et Daniel Boulanger, le scénariste étaient des hommes à la fois extrêmement spirituels et extrêmement cultivés, il ne m’étonnerait pas – vraiment pas du tout – qu’ils aient choisi ce titre dans cette optique particulière.

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Le sorcier du ciel

lundi, décembre 4th, 2023

À l’usage des patronages d’antan.

C’est vraiment très, très difficile de faire passer à l’écran ce que peut être la ‘’Sainteté’’ ; très difficile de montrer, même de loin, cette grâce incroyable, de la faire entrevoir. Je ne connais guère que Thérèse, le merveilleux film d’Alain Cavalier qui s’en approche. Aussi, comme on ne peut pas vraiment représenter la Sainteté, on tente de s’en approcher, à travers les vies de saints, qui sont plus anecdotiques. Certaines sont réussies, même davantage : Le chant de Bernadette d’Henry King (1943), Monsieur Vincent de Maurice Cloche (1947) ou Hiver 54; l’abbé Pierre de Denis Amar, Mais il y a aussi tant d’autres nullités comme Miracle à Cupertino d’Edward Dmytryk et tant d’autres sulpicionnaiseries. Le bon peuple demande généralement des gentillesses melliflues, rarement la dureté fouettante de la Foi. (suite…)

Testament

mercredi, novembre 29th, 2023

Sous l’œil des barbares.

Le Québécois Denys Arcand a posé d’emblée les bases, de façon très littéraire, très intelligente et même très intellectualisée : Le déclin de l’empire américain en 1986 et sa suite immédiate (si j’ose écrire) 18 ans plus tard, Les invasions barbares. On perçoit qu’on n’est pas dans l’exaltation heureuse, davantage dans ce que j’avais appelé la course à l’abîme qu’est la gangrène mentale du Monde occidental dans mon avis sur le deuxième film et son épuisement vital. Pourquoi pas, après tout ? Nous avons dirigé le monde pendant mille ans ; il est possible qu’il soit équitable de laisser la place à d’autres (et, dans cette optique,les trois dernières minutes de Testament, que je ne dévoilerai pas, ouvrent des pistes, qui se situent en 2042). (suite…)

Faubourg Montmartre

samedi, novembre 25th, 2023

Les beaux mélos du temps jadis.

Raymond Bernard avait déjà atteint une assez belle notoriété (Le miracle des loups en 1924), lorsqu’il réalisa son premier film parlant avec Faubourg Montmartre en 1931. Sa carrière se développa ensuite avec amplitude : Les croix de bois en 1932, Tartarin de Tarascon en 1933, surtout Les Misérables en 1934 ; beaucoup prétendent que c’est là la meilleure adaptation du roman de Victor Hugo ; ce n’est pas du tout mon avis, d’ailleurs. Puis, assez curieusement, cette carrière s’infléchit et baisse de ton, sans qu’il y ait d’ailleurs un rapport avec la césure de la Guerre qui a modifié tant de destins. Mais Marthe Richard au service de la France en 1937, Un ami viendra ce soir en 1946 et surtout (surtout !) La belle de Cadix avec Luis Mariano en 1953 sont d’un niveau plutôt médiocre. (suite…)

Je vais craquer

lundi, novembre 13th, 2023

Qui est in ? Qui est out ?

Un film qui est presque aussi accablant et désespérant qu’une comédie italienne de la grande époque ; un film qui fait qu’on se moque, qu’on rie, qu’on ridiculise le personnage principal, Jérôme Ozendron (Christian Clavier), qui a toutes les raisons de l’être, moqué, ridiculisé, méprisé mais qu’on retrouve, frère humain, dans l’épouvantable situation de la vie. Un peu comme à la fin des Visiteurs lorsque Jacques-Henri Jacquart, le descendant de Jaquouille-la-fripouille, se retrouve expulsé de sa tranquillité moderne au 12ème siècle (peu de choses me glacent autant que cette course terrifiée de Jaquouille vers le donjon du seigneur, vers la vie affreuse qu’il va devoir vivre, homme de notre temps abandonné aux horreurs du haut Moyen-Âge).
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