Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

L’ange exterminateur

lundi, mars 15th, 2021

N’a rien exterminé du tout.

Mes relations avec le cinéma de Luis Bunuel ont toujours été très perplexes et inquiètes. Beaucoup de films magnifiques, intenses, cruels, mais souvent aussi des esbroufes aussi médiocres qu’inutiles. Cinéaste cosmopolite, violent, souvent agressif dont les films aujourd’hui les plus notoires sont français (Le journal d’une femme de chambreBelle de jour), mais dont le talent a peut-être été encore plus mis en valeur par l’étrange Mexique, où il a tourné pendant quinze ans des œuvres souvent âpres et sarcastiques aussi souvent, des œuvres qui mêlent facilement le rire méchant, le ridicule compassé et l’outrance glaçante.

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Les amants de demain

jeudi, mars 11th, 2021

Mélo populo.

Les jugements très réservés que j’ai lus sur Les amants de demain m’intriguaient un peu avant que je regarde le film. Sans doute le talent de son réalisateur Marcel Blistène ne brille-t-il pas au firmament du cinéma mondial et son nom est-il aujourd’hui complétement oublié, mais enfin les deux films que j’ai vus de lui ne m’ont pas donné mauvaise impression ; d’abord Étoile sans lumière de 1946 (déjà avec la regrettable Édith Piaf) puis, un peu mieux encore, Gueule d’ange de 1955 avec Maurice Ronet et – surtout ! – Viviane Romance. Deux films qui ont le bon goût de se terminer mal et de mettre dans l’eau froide une goutte d’acide. (suite…)

Chambre avec vue

mardi, mars 9th, 2021

Éloge des jeunes filles qui se tiennent bien.

Voilà un film charmant, intelligent, subtil, raffiné, plein de la grâce extrême de notre merveilleuse civilisation européenne à la fin du 19ème siècle. Mais pour autant un film qui ne me laissera sûrement pas davantage de souvenir que celui de l’arôme fugace et subtil d’une tasse de thé de belle origine ou celui d’une rose d’automne d’Angleterre. C’est d’ailleurs souvent ainsi lorsque la perfection des images, des décors, des costumes, des atmosphères et la qualité solide des acteurs prend le pas sur le fond du sujet. Et puis il ne faut pas méconnaître que la singularité de la civilisation britannique, ses rapports de classe très marqués, très différenciés, son puritanisme éclatant, son goût pour la litote (le fameux understatement anglo-saxon) nous donne presque une sensation d’exotisme… (suite…)

Hurlements

lundi, mars 8th, 2021

Horreurs ordinaires.

De la minime carrière cinématographique de Joe Dante, il ne restera finalement que les originaux Gremlins, affreux monstres sarcastiques et brutaux issus de ravissantes petites boules de poils. Ce qui a suivi n’a pas laissé trace et ce qui a précédé, c’est-à-dire Hurlements, est d’une consternante banalité. Parce que, par quelque biais qu’on les prenne, les histoires de loups-garous, plus ou moins sauvages, plus ou moins sanglantes, sont terriblement répétitives et très ennuyeuses. Créatures malfaisantes mais trop souvent pitoyables qui subissent les effets d’une malédiction séculaire et sont obligées presque structurellement d’agresser les humains et de se nourrir de leur chair. C’est leur côté gnangnan.

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Brève rencontre

jeudi, mars 4th, 2021

Un peu de soleil dans l’eau grise.

Formidable succès du titre de ce film qui est allé jusqu’à passer dans le langage courant. Tout y est : la concision, la netteté, le sentiment d’urgence, la précarité ; on pourrait presque ajouter la banalité et même la grisaille et on n’aurait pas tort, tant Brève rencontre est l’illustration parfaite de la vie qui coule, un peu douce, un peu triste, un peu médiocre, un peu rassurante. Je songe à un mot de Jean Giono dans je ne sais plus quoi : Le désir amoureux, feu téméraire et volage…Téméraire, puisqu’il peut tant et tant abîmer des hommes et des femmes qui sont devant lui si fragiles ; volage, parce qu’il n’a pas d’avenir s’il ne permet pas un projet ancré dans la durée. (suite…)

Karnaval

dimanche, février 28th, 2021

Le rigodon des Flandres.

Une des grandes qualités de ce film formidable, qui reçut d’ailleurs un accueil public et critique éclatant, est de mêler avec virtuosité une histoire de désir et de songerie à la formidable vitalité du carnaval de Dunkerque. De faire aussi que cette histoire amoureuse ne puisse se passer comme elle se passe que dans ce cadre de folie et d’outrance ; ceux qui ne connaissent pas le Carnaval peuvent le juger ridicule et même obscène et ceux qui le vivent de l’intérieur passent leur temps à attendre toute l’année son retour, au cœur de l’hiver, dans les brouillards, les pluies, le froid effacés par les déguisements effarants, la bière, l’amitié et les chansons…
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Deux jours à tuer

jeudi, février 25th, 2021

Zut pour celui qui lira !

Le talent, surtout le grand talent, n’est pas héréditaire. Tout ce que j’avais vu jusqu’alors de Jean Becker ne rappelait en rien que son père Jacques avait été un des plus grands cinéastes français, un réalisateur qui n’a vraiment pratiquement rien raté (grâce, peut-être, il est vrai, à une carrière particulièrement courte et dense, interrompue par sa mort brutale à 53 ans). Le fils, c’est autre chose ! Surtout depuis que, après une interruption d’une vingtaine d’années, il a connu de grands succès publics. Au début des années 60, il s’était essayé, sans démériter, avec Jean-Paul Belmondo, au film noir – Un nommé La Rocca) (1961) – ou aux aventures fantaisistes – Échappement libre (1964) ou Tendre voyou (1966)-.

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Les espions

mercredi, février 24th, 2021

À dormir debout.

Quelle drôle d’idée a eu Fritz Lang de tourner ces Espions, à l’intrigue interminable et confuse, six ans après Le Docteur Mabuse reprenant un canevas un peu similaire : un génie du crime et épouvantable malfaiteur ? Sa compagne d’alors, Thea von Harbou avait adapté le second film d’un roman de Norbert Jacques qui créait un personnage maléfique à longue postérité (Le testament du docteur Mabuse en 1933, Le diabolique docteur Mabuse en 1960) qui avait une petite substance (bien inférieure toutefois à celle de Fantômas). On peut supposer que Thea von Harbou a voulu aller jouer dans cette cour sinistre des malfaisants d’anthologie, puisque c’est elle qui a écrit le roman Spione et l’a adapté pour l’écran. Mais son Haghi n’a pas d’intérêt. (suite…)

Carillons sans joie

samedi, février 20th, 2021

Réussir sa mort.

Dans une époque où le dénigrement de la France est presque devenu un sport national pour des gens qui pourraient parfaitement aller voir ailleurs si c’est mieux, il est bien agréable de découvrir un film solide et bien ancré dans la fierté nationale et l’héroïsme sans jactance. Carillons sans joie n’a pas d’autre qualité que de rappeler à ceux qui regardent ce film, unique réalisation de Charles Brabant, que les Français, écrasés par la défaite de 40, ont su, souvent et partout dans le monde, montrer qu’ils pouvaient relever la tête et entrer sans crainte dans la fournaise. La sublime Armée des ombres le montre avec la résistance intérieure, Paris brûle-t-il ? dans le grand mouvement de la Libération. Un taxi pour Tobrouk montre l’action des Forces françaises libres dans ce curieux combat pour la domination de l’Afrique du Nord, région stratégique parce qu’elle est un des chemins du pétrole et parce qu’elle est très proche des chemins d’invasion de l’Europe centrale où la Bête s’est établie.

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Mark Dixon, détective

jeudi, février 18th, 2021

Vibration nocturne.

On peut dire sans guère de crainte de se tromper que la plus mauvaise idée du film d’Otto Preminger, c’est son titre. Le titre français, Mark Dixon, détective est d’une grande platitude et n’ouvre pas la porte à la moindre curiosité. Le titre anglais original, Where the Sidewalk Ends, c’est-à-dire, si le traducteur Google est pertinent Là où le trottoir se termine est, à rebours, d’une singularité qui confine au mystère ; et qui, en tout cas, n’oriente en rien le spectateur ; j’en suis d’ailleurs toujours à me demander ce qu’il veut dire et en quoi il souligne l’intéressante histoire relatée. (suite…)