Un homme seul est en mauvaise compagnie.
Il y a peu d’exemples de réalisateurs ayant tourné aussi peu qu’Eisenstein qui aient laissé dans la mémoire collective une empreinte pareillement intense, alors même que la moitié des films est de l’ère du muet et que les thèmes et les sujets abordés sont tout aussi étrangers à nos habitudes et à nos regards que la façon très construite et très flamboyante du metteur en scène. Je réserve l’appréciation de chef-d’œuvre à Alexandre Nevski, mais je ne trouve pas qu’Ivan le terrible soit très en deçà de cette hauteur. Sans doute le film, réparti sur deux époques est-il un peu long, sans doute la musique – par ailleurs souvent admirable – de Serge Prokofiev est-elle un peu envahissante, sans doute y a-t-il, dans certains gros plans, dans des trognes et physionomies saisies au vol un peu trop des tics du muet. Mais l’ampleur du récit, l’intelligence de la méditation sur le Pouvoir, la noirceur des épisodes et la qualité des interprètes haussent le film parmi les plus fantastiques spectacles qui se puissent. (suite…)